Des romans sur et pour les mères

Une fête en demi-teintes

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Publié le 20/05/2022
Célébrer la mère, c’est aller d’image en image. Ici un refuge pour toute la nichée, là une femme qui fuit la maternité. Figure aimée ou parfois détestée, elle peut se révéler toute autre après sa disparition. Quand l’ADN ne vient pas jouer les trouble-fête !

* Après le beau succès de « la Somme de nos vies », Sophie Astrabie signe à nouveau, avec « les Bruits du souvenir », un roman de femmes, une fille et une mère, et d’une fuite pour mieux se retrouver. Quand sa mère meurt subitement, Claire ne garde qu’un carnet et un appareil photo dans lequel se trouve une pellicule. Elle quitte tout ce qui faisait sa vie et retourne dans le village de son enfance. Les notes, les clichés et les souvenirs qui reviennent vont faire apparaître une tout autre image de sa mère que celle d'une femme « qui a passé son temps à la surface d’une vie qui n’a jamais débordé ». (Flammarion, 388 p., 21 €)

* « Les hommes, il ne faut pas trop compter sur eux » : c’est ce que martèle Rozela, la mère de Gerta, Truda et Ilda, dont la journaliste et maintenant romancière polonaise Martyna Bunda raconte, dans « les Cœurs endurcis », le quotidien ordinaire dans leur village de Cachoubie. En quatre saisons étalées des années 1930 aux années 1970, traversées par l’occupation nazie, le changement de frontières, la terreur stalinienne. De caractères très différents, chacune des quatre femmes trace son chemin minuscule entre drames et rires, avec l’insensibilité, pour ne pas dire la dureté, comme bouclier, et la maison de la mère comme refuge. (Noir sur Blanc, 252 p., 21,50 €)

* « Ce qu’elle a laissé derrière elle » est le deuxième roman traduit d’Ellen Marie Wiseman, auteure de best-sellers aux États-Unis, après « la Vie qu’on m’a choisie ». C'est une narration à deux temps et deux voix : en 1995 celle d’Izzy, en famille d’accueil depuis que sa mère a tué son mari d’un coup de fusil alors qu’il dormait ; et en 1929 celle de Clara, riche héritière enfermée dans un asile. Après avoir découvert par hasard des lettres et un journal intime de Clara, qui décrit les sévices qu’elle a subis alors qu’elle n’a jamais été malade mentale, Izzy s’interroge sur le geste meurtrier de sa propre mère et remet en question ses choix. (Faubourg Marigny, 486 p., 21 €)

* Comment un test ADN offert comme cadeau d’anniversaire à son fils pour ses 14 ans a bouleversé sa vie et ébranlé les fondements de sa famille : c’est ce que raconte la journaliste et auteure pour le théâtre Sophie Brugeille dans « Une histoire de gènes ». Sous la forme d’un récit, qui, loin d’être dramatique, se transforme en plaidoyer pour la vérité. Sans nier les bouleversements résultant des éventuelles révélations, elle affirme finalement qu'« aucune vie ne mérite d’être passée sous silence. La loi devrait d'abord interdire aux parents de mentir à leurs enfants. » (Flammarion, 213 p., 18 €)

* Lauréate d’un concours de poésie à 14 ans, Laurie Cohen publie, dix ans plus tard et après une trentaine d’albums jeunesse et plusieurs courts-métrages, « Hors des murs ». L’histoire d’une femme qui menait une vie tranquille avec son mari et qui a été condamnée à la prison pour meurtre bien qu’elle clame son innocence. Le fond du récit est moins le pourquoi et le comment de ce basculement que la découverte brutale du milieu carcéral, d’autant plus que l'héroïne se découvre enceinte et choisit de garder son enfant… jusqu’à la séparation obligatoire au bout de 18 mois. Un réquisitoire contre les lacunes, voire les contradictions, de la justice. (Plon, 336 p., 18 €)

* Julia Kerninon a commencé à publier à l’âge de 20 ans. À 30 ans, le souhait qu’elle partageait avec son compagnon s’est réalisé : elle est devenue mère. « Toucher la terre ferme » est le récit des deux années qui ont suivi, pendant lesquelles elle a dû lutter contre le sentiment de se noyer. Dans un court récit intime, elle dit comment la maternité est devenue pour elle un « cercle de feu » et sa difficulté de la concilier avec sa vie de femme et d’écrivaine ; elle se remémore aussi le temps où elle était libre de partir, d’aimer et d’écrire sans entraves. Aux dernières pages, on apprend qu’elle a maintenant deux enfants et que l’enfant qu’elle était est devenu une mère. (L’Iconoclaste, 116 p., 15 €)

* Idéal pour accompagner Roland Garros, « Set et match », de l’Australienne Liane Moriarty (« le Secret du mari », « Petits secrets, grands mensonges »), est un nouveau suspense à rebonds. Joy, presque 70 ans, 50 ans de mariage avec un passionné de tennis comme elle et 4 enfants qu’ils ont coachés pour en faire des champions, disparaît mystérieusement le jour de la Saint-Valentin. Est-ce son choix et pourquoi, ou bien un membre de la famille s’est-il débarrassé d’une maman encombrante ? De l’humour noir sur fond de balles jaunes. (Albin Michel, 522 p., 22,90 €)

 

Martine Freneuil

Source : Le Quotidien du médecin