CLASSIQUE - À Lyon, « Dialogues des Carmélites »

Une lecture d’aujourd’hui

Publié le 21/10/2013
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Crédit photo : J.-L. FERNANDEZ

IL EXISTE TOUJOURS un risque à sortir de son contexte l’histoire du martyre collectif des Carmélites de Compiègne, à Paris dans les derniers mois de la Terreur. Dmitri Tcherniakov y a échoué sur la scène munichoise en 2010 (DVD Bel Air), en imaginant l’empoisonnement collectif d’une secte. Le réalisateur des « Chansons d’amour » et des « Bien-Aimés » s’en sort mieux, pour ses débuts à l’opéra, tant sa « lecture d’aujourd’hui », en dépit de quelques contresens, est prenante car formidablement « filmée ». Elle tire seulement un peu trop ces Carmélites vers une communauté de religieuses du XXe siècle, avec une règle très assouplie, et, plus gênant, la Révolution française vers une action politique contemporaine au cadre pas très bien défini.

Passée une abominable première scène où l’on voit le Marquis de la Force au « plumard » avec une femme, son domestique lui administrant une piqûre de nature douteuse, l’action au Carmel s’installe petit à petit dans des costumes années 1960 qui dépoétisent le propos. Puis l’action se resserre autour des personnages principaux et, grâce à une direction d’acteurs millimétrée, devient de plus en plus convaincante et prenante. Jusqu’aux scènes finales, dont la trivialité fait retomber l’émotion, et à la défenestration des Carmélites, en lieu et place de guillotine, sur les coups de couperets, eux bien ancrés dans la partition. Éclairages et déplacements sont tous virtuoses, dans un dispositif scénique unique habile mais qui montre parfois ses limites. Christophe Honoré a supprimé la notion de huis-clos et l’omniprésence des autres dans toutes les scènes rend souvent le propos étouffant.

Surhumaine.

La distribution est dans l’ensemble très jeune, la plupart des rôles des Carmélites et des gens du peuple étant superbement tenus par des membres des Chœurs de l’Opéra de Lyon. Malheureusement attifée comme une paysanne, Sylvie Brunet réussit le tour de force de donner une dimension surhumaine à la Première Prieure, Madame de Croissy. Depuis Régine Crespin, on n’avait pas vu un tel engagement dans ce rôle. Bouleversante, aussi, la Blanche très décidée d’Hélène Guilmette (qui a été Constance à Munich) et magnifique d’autorité la Mère Marie de l’Incarnation d’Anaïk Morel. Sophie Marin-Degor, qui a été Blanche il y a quelques années, aborde avec une très belle sérénité le rôle de la Seconde Prieure, Madame Lidoine. Moins de bonheur du côté des hommes, excepté le très subtil Aumônier de Loïc Félix.

Kazushi Ono a privilégié une direction en pointe sèche, soulignant plus les rythmes que les couleurs orchestrales, mais l’Orchestre de Lyon sonnait très dramatique et ne couvrait jamais les chanteurs.

Opéra de Lyon (tél. 0826.305.325, www.opera-lyon.com), les 22, 24 et 26 octobre à 20 heures. De 10 à 94 euros.

* Théâtre des Champs-Élysées (www.theatredeschampselysees.fr et tél. 01.49.52.50.50) du 10 au 21 décembre.

**Reprise de la production bordelaise des « Dialogues » à Nantes les 5 et 7 novembre et à Angers les 15 et 17 novembre (www.angers-nantes-opera.com).

OLIVIER BRUNEL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9273