« Pourquoi “Des hommes sans femmes” (1) ? Je n’en sais rien », reconnaît Haruki Murakami en parlant de son recueil de sept nouvelles, qui mettent chacune en scène un homme abandonné par une femme ou sur le point de l’être. En attendant la traduction de son nouveau roman qui paraît au Japon, le grand favori pour le Nobel de littérature nous ravit avec des récits qui illustrent l’isolement et ses conséquences émotionnelles. La disparition de l’être aimé, autrement dit la fin de l’amour, laisse l’homme inconsolable et démuni, plein de réminiscences poignantes et évanescentes. Une partition mélancolique et musicale, qui fait vibrer toutes les cordes des sentiments.
Jean-Noël Orengo, qui avait impressionné avec « la Fleur du Capital », revient avec un livre non moins ambitieux. Le héros de « l’Opium du ciel » (2) s’appelle Jérusalem, c'est un drone. Issu d’un drone civil français et d’un drone militaire américain, réparé par un couple d’archéologues du religieux au Moyen-Orient, il poursuit son périple d’exploration de notre époque, où s’entremêlent conflits identitaires, amours charnels et guerres de religion. Capable de réflexion et même de sentiments, Jérusalem s’interroge sur le monothéisme et le patriarcat, et il raconte une autre histoire, celle des déesses éradiquées au profit d’un dieu unique. Un conte entre rêve et méditation sur un pan oublié des hommes : lorsque Dieu était une femme.
Et quand le prêtre est une femme ? C’est ce qu’on découvre lorsque le bon père Foucher décède après plus de quarante ans de sacerdoce. Et de mensonge. Comment cela a-t-il été possible, et pourquoi ? Auteure de livres pour enfants et membre d’un service diocésain, Anne-Isabelle Lacassagne interroge, dans « Des femmes en noir » (3), la vocation féminine mais aussi les rapports homme-femme dans l’Église d’aujourd’hui. Non sans humour.
Après avoir vécu quatre ans en Ouzbékistan, Lyane Guillaume a recueilli les paroles des femmes. « Mille et un jours en Tartarie » (4) est un livre d’histoires et d’Histoire qui nous mène des harems de la Route de la soie et des femmes célèbres de l’ex-Tartarie aux femmes actives de l’Ouzbékistan d'aujourd'hui. Telle Sayora, médecin de campagne sur les rives de la mer d’Aral, à la recherche de son fils radicalisé. Une fiction documentaire chorale et colorée.
Devenir personne
Nouvelle auteure publiée à 29 ans, Léa Simone Allegria nous entraîne, avec « Loin du corps » (5), dans le monde factice de la mode. À la suite d'un chagrin d'amour, le corps sculptural d'une étudiante en histoire de l'art devient squelettique. Repérée par une agence de mannequins, elle passe de l’autre côté du miroir et, de spectatrice du Beau, elle devient objet, loin de son identité et même de son propre corps.
Violaine Bérot a choisi de vivre dans ses Pyrénées natales, où elle exerce le métier d'éleveur et écrit. « Nue, sous la lune » (6), son huitième roman, raconte la fuite d’une femme loin de l’homme qui la détruit. Alors qu'elle était une jeune sculptrice de talent, elle a délaissé son travail et ses aspirations pour servir l'homme qu'elle aimait, un sculpteur également, plus âgé et reconnu. Elle est devenue, sans qu’il la menace ou la violente, par manque de reconnaissance et de tendresse, quasi invisible, juste bonne à le satisfaire au lit. Un récit aussi bref que percutant sur la tragédie que représente le fait de devenir « personne ».
Paru en 1978, « Un livre de raison » (7), de la grande Joan Didion, a pour cadre une petite république d’Amérique centrale secouée par la violence et la corruption. Charlotte, qui y est venue dans l’espoir de retrouver sa fille enrôlée dans un groupuscule marxiste, rencontre Grace, placée au cœur de la classe dirigeante de l’État par son mariage. Minées l’une par le récent échec de son mariage et l’autre par un cancer, les deux femmes tentent de s’aider, mais sans vraiment se comprendre, la rigueur scientifique de Grace se heurtant aux passions de Charlotte. Une tragédie intime et politique.
L'étonnement vient de « Manuel à l’usage des femmes de ménage » (8), recueil de 43 nouvelles écrites par Lucia Berlin (1936-2004) entre les années 1960 et 1980. Ce sont autant d’épisodes de son destin, sa naissance en Alaska, son enfance solitaire au Texas, sa jeunesse privilégiée à Santiago du Chili, sa bohème artistique à New York, son emploi d’infirmière aux urgences d’Oakland. Une vie marquée par trois mariages et la naissance de quatre enfants, presque constamment sous l’emprise de l’alcool et des petits boulots. Mais une vie transfigurée par l’écriture, car si elle emprunte des faits et des situations de sa propre existence, Lucia Berlin les réinvente dans des saynètes originales avec un naturel qui ne laisse pas indemne. L’ouvrage a été l’un des événements littéraires aux États-Unis, à juste titre.
(1) Belfond, 294 p., 21 €
(2) Grasset, 264 p., 19 €
(3) Rouergue, 222 p., 18,80 €
(4) Rocher, 402 p., 20,90 €
(5) Seuil, 267 p., 18 €
(6) Buchet-Chastel, 118 p., 12 €
(7) Grasset, 268 p., 19 €
(8) Grasset, 552 p., 23 €
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