CLASSIQUE - Hommages à Kathleen Ferrier

Une voix qui fait du bien

Publié le 04/06/2012
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DISONS-LE d’emblée : la voix de Kathleen Ferrier ne ressemblait à aucune autre, ni par son timbre de contralto, voix chaude, profonde et rare, ni par sa projection tout à fait exceptionnelle semblant emprunter des voies inhabituelles pour toucher directement au cœur. Voix surnaturelle, donc, et voix quasi maternelle, empreinte de sympathie et de compassion, qui guide, réchauffe, en trois mots, fait du bien. Une voix qui contenait tout entière une miséricorde palpable dans le répertoire religieux, Bach et Haendel principalement, comme aussi dans « le Chant de la Terre », de Mahler, pour lequel, dans ses interprétations sous la direction de Bruno Walter, disciple du compositeur, elle n’a pas été surpassée, ni même approchée. Et voix qui englobait déjà son tragique destin, car Kathleen mourut jeune, à 42 ans, emportée par un cancer avec lequel elle vécut et chanta pendant quelques années.

Après des débuts hésitants dans la province anglaise en guerre, sa carrière fut rapidement fulgurante : Glyndebourne avec Britten, dont elle créa en 1946 « le Viol de Lucrèce », Amsterdam avec l’« Orphée » de Gluck, qui fut son rôle scénique quasi unique, Brahms et même Chausson, avec John Barbirolli, son premier mentor, Mahler, on l’a dit, avec Bruno Walter, qui la mena à Vienne et en Amérique. Et le microsillon naissant se chargea de transporter ce miracle de musique et d’humanité dans tous les foyers, dans tous les azimuts.

C’est précisément son héritage discographique, qui n’est pas mince, que Decca restitue aujourd’hui en 14 CD sertis dans un luxueux coffret (1) et, grâce à des miracles de la technique, l’agrémente de concerts restés privés, de prises inconnues, de deux cantates de Bach retrouvées et de la totalité des cycles de Lieder de Mahler enregistrés en studio. On y retrouve le DVD du film documentaire de la BBC de 2004, « Kathleen Ferrier, an Ordinary Diva », qui contient quasiment tout ce qui existe d’archives visuelles sur cette femme merveilleuse autant dans sa vie privée que publique. Le film plus récent de Diane Perelsztejn paru sur DVD (2) qui ne fait que reprendre ces témoignages et broder avec des images d’aujourd’hui sur le passé et le contexte géographique et historique dans lequel évolua Ferrier, n’apporte vraiment rien de plus.

En trois CD, EMI Classics propose de son côté tout ce que son catalogue possède de Kathleen Ferrier (3), soit beaucoup moins que Decca : l’« Orfeo » historique mais tardif enregistré au Holland Festival en 1951, sous la direction de Charles Bruck, des « Kindertotenlieder » de Mahler de studio, sous la direction de Bruno Walter, en 1949, alternative salutaire à ceux tardifs du coffret Decca, enregistrés en 1951 à Amsterdam sous la direction d’Otto Klemperer, eux tout à fait inédits. Quelques Lieder aussi et des prises alternatives de la « Messe en si » de Bach, sous la direction de Karajan, avec Elisabeth Schwarzkopf, de « Kindertotenlieder » avec Walter, des raretés d’Edward Elgar, de Maurice Greene et de Purcell en font un coffret complémentaire au monument Decca pour amateurs inconditionnels.

S’il reste après cela quelques insatiables insatisfaits, ils trouveront dans le CD « Songs my Father taught me » (4) quelques inédits absolus dans le répertoire du chant anglais et du Lied allemand, mais surtout les seules traces possibles de son « Rape of Lucretia », de Britten, enregistrées à Glyndebourne en 1946, ainsi que des témoignages vocaux extatiques du compositeur et de Gerald Moore sur cette personnalité vocale si singulière et inoubliable.

(1) Decca/Universal, 1 coffret cartonné de 14 CD + 1 DVD avec livret illustré.

(2) Decca/Universal, 1 DVD + 1 CD.

(3) EMI Classics, 1 coffret plastique de3 CD.

(4) Gala, 1 CD ADD.

OlIVIER BRUNEL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9135