Heureuse étymologie, qui donne une bonne assise à une recherche de sens. Secret vient du latin secernere, qui signifie séparer, mettre de côté. Et c'est du côté des rites religieux qu'il faut se tourner une fois de plus. Le secret est lié aux mystères, par exemple dans le culte d'Osiris en ancienne Égypte, ou dans les mystères d'Éleusis à Athènes. Il faut donc être « dans le secret des Dieux », ce qui sépare les bienheureux initiés de ceux qui resteront sur le seuil. L'auteur note la symbolique de l'obscurité lors de ces cérémonies, à l'opposé des fêtes pour le peuple, célébrées au grand jour.
Il y a dans toute société des secrets incarnés dans de plus ou moins mythiques « sociétés secrètes ». On retrouve là encore pas mal de théorisations fictives alimentant toutes les paranoïas. On sait l'importance attachée au fil des siècles aux Illuminati, à l'Opus Dei, au Ku Klux Klan, sans parler du trop célèbre complot judéo-maçonnique. Laurent Schmitt analyse avec précision les curieux mécanismes qui font que toute société sécrète ses fantasmes de sectes, mot qui là aussi indique la séparation. Ne dit-on pas que le christianisme est une secte qui a réussi ? Par ailleurs, le débat politique évoque volontiers ce qui se trame au fond de soi-disant « officines », même si personne n'en a jamais vu…
Soupçon et surveillance
À l'opposé de cette société du soupçon se tient un modèle pas vraiment plus réjouissant, celui d'une totale transparence, permettant une absolue surveillance. On connaît le dispositif carcéral imaginé par le philosophe anglais du XVIIIe siècle Jeremy Bentham, le panoptique. Il s'agit d'une prison circulaire où les prisonniers sont surveillés à partir d'une tour centrale. Inversant les ténèbres de la prison, ces cellules sont transparentes. Suprêmes raffinements, les détenus se surveillent entre eux, et on ne peut jamais savoir si le grand observateur est présent dans la tour.
Cette société où tout le monde surveille et note est bien la nôtre, fait remarquer Laurent Schmitt. Multiplication des caméras, recherche de services en fonction de la notation précédente, etc. Ainsi vont nos sociétés, souhaitant une totale transparence et s'irritant que tout puisse être mis sur la place publique ou en couverture de magazines people.
L'auteur montre, à partir de là, sa très nette inclination pour le secret, le respect de notre vie intérieure. Il en appelle au « Joueur d'échecs » de Stefan Zweig, roman dans lequel le héros, incarcéré dans une cellule vide, n'a plus pour « objet » que les parties d'échecs qu'il conçoit mentalement.
De fait, Laurent Schmitt voit dans le secret une forme d'équilibre, car en lui nous créons des relations avec le monde sur fond d'une relation avec nous-mêmes. On pourrait lui objecter que la psychanalyse a montré que c'est de l'intérieur que nous sommes menacés et que ce qui se verrouille est aussi un mal refoulé pathogène. Mais l'auteur persiste à cultiver ce tendre jardin là où Malraux ne voyait qu'un « misérable petit tas ».
Odile Jacob, 240 p., 21,90 €
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