« La Fille du Far West » et « Werther »

Western lyrique et idylle allemande

Publié le 10/02/2014
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Crédit photo : OPÉRA DE PARIS/CH. DUPRAT

Opéra

Créé au Metropolitan Opera de New York en 1910 avec Enrico Caruso et Emmy Destinn sous la direction de Toscanini, « la Fille du Far West » (« la Fanciulla del West ») fait figure de rareté parmi les opéras de Puccini. Paris n’avait pas accueilli depuis 1969 ce glissement de la légende du Far West et des chercheurs d’or du cinéma vers la littérature lyrique. Minnie, son personnage central, quasiment le seul rôle féminin, une maîtresse femme qui règne sur un saloon et une bande de mâles peu recommandables, s’entiche d’un bandit traqué et se montre prête à tout, y compris à tricher au poker, pour lui sauver la vie. Ce soprano aux moyens vocaux énormes et à l’abattage scénique certain est l’affaire de la Suédoise Nina Stemme, qui vient de le chanter à Vienne (avec Jonas Kaufmann) et à Stockholm (comme l’atteste le DVD de l’étonnante mise en scène de Christof Loy paru chez EuroArts). Très bien entourée par le ténor Marco Berti, le baryton Claudio Sgura et les multiples seconds rôles, elle triomphe dans ce rôle ardu qu’elle chante parfois en force et pas toujours dans le plus pur style puccinien.

Musicalement, surtout grâce au raffinement de la direction de Carlo Rizzi, c’est une grande soirée. On ne peut pas en dire autant en ce qui concerne la mise en scène. La production, signée Nikolaus Lenhoff, vient d’Amsterdam, où elle a été réalisée en 2009 pour Eva-Maria Westbrook. Quelle idée d’avoir importé cette parodie de western-spaghetti alors qu’actuellement existent en Europe au moins deux autres productions tout à fait honorables ? Bas-fonds new-yorkais façon bar cuir pour le saloon de l’acte I, caravane ridiculement décorée à la Disneyland au II pour évoquer la cabane de Minnie et horrible cimetière de voiture au III pour camper la forêt californienne, avec un final grotesque singeant le pire d’Hollywood. Le public a copieusement hué cette mascarade.

Une reprise très applaudie

Atmosphère beaucoup plus détendue, sereine même, pour la reprise de « Werther » dans la magnifique mise en scène de Benoît Jacquot, à la direction d’acteurs soignée, quasi cinématographique, et aux éclairages prodigieux. À Jonas Kaufmann et Sophie Koch en 2010 succèdent Roberto Alagna et Karine Deshayes. Le premier, même si aujourd’hui, ça et là, le rôle tire un peu sa voix, l’a chanté, joué, vécu avec une telle honnêteté, associée à une intensité incandescente et à une diction comme personne ne sait plus l’avoir, qu’il a mis le public à ses pieds. Karine Deshayes n’a malheureusement pas le format vocal pour cette immense salle, mais a donné à Charlotte une grande crédibilité et beaucoup de charme. Mais à l’applaudimètre, l’un et l’autre ont été battus par l’Orchestre de l’Opéra et surtout Michel Plasson, qui a dirigé cette merveilleuse musique avec un soin et un style inouïs.

Opéra de Paris Bastille (tél. 0892.89.90.90 et www.operadeparis.fr), « Werther » jusqu’au 12 février, « La Fille du Far West » jusqu’au 28 février (diffusion en direct ce lundi 10 à 19 h 30 dans 51 cinémas en France, www.fraprod.fr). Deux autres opéras de Puccini seront à l’affiche : « Madame Butterfly » (Robert Wilson) du 14 février au 12 mars, et « la Bohème » (Jonathan Miller) du 15 mars au 11 avril.

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du Médecin: 9300