Sous le prétexte de défendre le débat parlementaire, le PC et LFI ont déposé 41 000 amendements. Leur projet consistait à placer le gouvernement devant un dilemme : soit il les laissait faire, et patientait, au nom de la démocratie, pendant plusieurs mois ; soit, il intervenait avec tous les moyens légaux dont il dispose pour arrêter une pantomime délétère dont le parlementarisme n'est pas sorti grandi. Il a choisi la manière forte, mais il n'est pas le premier à le faire : quand on est dans l'opposition, on hurle contre les atteintes à la République ; quand on est l'exécutif, on est content de pouvoir disposer d'un instrument permettant d'en finir avec une bouffonnerie qui n'honore pas le pays.
Plusieurs raisons militaient pour ne pas recourir au 49/3, article que nos diverses oppositions ont diffamé, comme s'il n'avait pas déjà été utilisé 88 fois sous la Cinquième République (Michel Rocard, ce grand réformiste, l'a employé 28 fois, ce qui montre bien que, sans passage en force, il est impossible de réformer les structures du pays). Les mêmes oppositions avaient lancé un avertissement à l'exécutif, ce qui revenait à le défier et à l'obliger à vitrifier le débat. Avait-il le choix ? Non. C'était ou passer en force ou s'engouffrer dans une discussion ubuesque qui eût ruiné la crédibilité du gouvernement avant qu'elle ne fût terminée. Le 49/3, c'est Mélenchon qui l'a voulu.
Le débat n'a pas été supprimé
Est-ce que tout cela signifie pour autant que le débat est suppprimé ? Pas du tout. Le texte, en l'état, va devant le Sénat à majorité les Républicains (LR) et sera modifié. Il reviendra ensuite à l'Assemblée en seconde lecture et sera adopté avec des amendements des oppositions, de la République en marche et du gouvernement lui-même ! Ce qui veut bien dire que les oppositions nous jouent à dessein, et sans même y croire, l'air de l'apocalypse. Pire : LR est porteur d'un projet qui prévoit une activité professionnelle prolongée jusqu'à 65 ans, soit une année de plus que l'âge-pivot d'Emmanuel Macron. La sévérité des dispositions proposées par la droite classique constitue d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles François Fillon n'a pas été élu président. L'aurait-il été que ses projets pour les retraites et la réduction du nombre de fonctionnaires (moins 100 000 par an pendant cinq ans) auraient mis le feu aux poudres. Il s'en est même vanté, assez curieusement, en disant que « Macron jouait petit bras » en ne mettant que quelques centaines de milliers de personnes dans la rue alors que lui, Fillon, avait déclenché une manifestation de 2,5 millions de personnes avec une réforme de bien moins grande ampleur. Ce genre de débat doit-il continuer ?
Cela dit, les signaux que la crise envoie au président sont tous négatifs. La République en marche a déjà perdu les municipales, ce qui va peser sur le sort présidentiel du chef de l'État. Certes, il peut rebondir, mais on doit à la vérité de dire que les Verts sont en progression, que la droite classique remonte et que le schéma électoral déjà si décrié, c'est-à-dire, un duo Macron-Le Pen au second tour n'aura pas lieu en 2022. Cette semaine, c'est la fête à Macron, l'homme qui osé utiliser un article de la Constitution déjà employé 88 fois. Une forte fraction du peuple le hue, l'insulte et le condamne. Demain, LR au pouvoir adoptera une réforme bien plus dommageable pour les intérêts des actifs et des retraités. Macron a gagné en 2017 par un concours de circonstances : l'effondrement de Fillon, l'incapacité de Hollande à se présenter de nouveau. Maintenent ce sont des apprentis sorciers, dans les officines de LFI, du RN et de LR, qui œuvrent fébrilement à la création des instruments artificiels de leur victoire.