La première qualité d'un leader repose moins sur le programme qu'il entend appliquer que sur sa gestion d'une crise inattendue. Celle des missiles en 1962 a consacré l'héroïsme de John F. Kennedy en exigeant de lui un courage et une prise de risque qui lui ont permis de triompher de Nikita Khouchtchev : il a relevé le défi d'une menace nucléaire. Il est bien trop tôt pour annnoncer la fin d'une pandémie dont les conséquences dureront plusieurs années et dont il est raisonnable de penser qu'elles affaibliront bien plus le président de la République qu'elles ne le rendront populaire. Mais il est permis de penser que le chef de l'État n'est pas resté inerte pendant la crise sanitaire.
Emmanuel Macron ne disposait pas des moyens matériels qui ont permis à Angela Merkel de se refaire une santé politique ; il ne s'est pas révélé, à la faveur de la tragédie et à la manière du président du Conseil italien, Giuseppe Conte, comme le leader impavide d'un pays encore plus secoué que le nôtre ; mais il s'est montré plus efficace que Boris Johnson ou Donald Trump. Avec le président des États-Unis, la différence n'est pas de degré mais de nature : à l'infantilisme et au simplisme de Trump, il a a opposé l'intelligence du technocrate, définition très décriée, et cependant positive ; au lieu de s'égarer pendant quinze jours dans la recherche de la solution facile d'un problème compliqué, il a ordonné le confinement, puis le déconfinement. Il a même accepté d'adopter des mesures souvent contradictoires dénoncées par une opposition décidée à ne pas lui venir en aide. On a donc retrouvé à cette occasion ce qui a permis à Macron d'être élu, de l'audace et encore de l'audace et, parfois, de la témérité.
Pas d'autre choix possible
Il réussira ou pas. Il aura ou non un second mandat. Mais la moindre des objectivités consiste à reconnaître qu'il n'avait pas le choix. La France, toute organisée depuis une décennie à rééquilibrer ses comptes, avait affaibli ses moyens sanitaires. La Chine n'a pas contribué à la lutte contre le virus quand elle a caché la vérité sur sa virulence, sur sa morbidité et sa mortalité. Un déconfinement brutal mais relativement court, suivi d'un déconfinement lent et progressif pour que la France économique se relève, se présentait comme la seule solution. Kennedy a résolu un conflit comme on gagne une partie de poker, en réagissant à la menace par une surenchère qui engageait la vie même des États-Unis. Ce n'est pas le cas de Macron qui peut, à tout instant, arrêter le déconfinement s'il se passe mal. Peut-être était-il naïf de réclamer à cette occasion l'union nationale, d'autant qu'elle n'était pas assortie d'une vigoureuse proposition pour inclure la gauche et la droite dans le gouvernement. Mais là aussi, l'opposition s'est d'emblée montrée si rebelle que Macron n'a pas cru utile d'explorer davantage cette piste.
Trump bénéficie d'un soutien populaire qui n'a pas varié car c'est un noyau dur. En revanche, la majorité de Macron est illusoire : si des élections avaient lieu aujourd'hui, il est plus que probable qu'il se retrouverait minoritaire, ce que les partis d'opposition répètent à l'envi. Le réalisme exige que la République en marche, dont les effectifs ont sensiblement diminué, reconnaisse l'effritement de sa légitimité, ce qui ne place pas le président de la République à l'endroit le plus enviable. En revanche, si les sondages montrent l'érosion du pouvoir, ils ne laissent apparaître aucun bénéfice pour l'opposition, ni pour le Rassemblement national, ni pour la droite LR, ni même pour les troupes écolos de Yannick Jadot. Dans les deux ans qui viennent, un homme ou une femme peuvent apparaître qui seraient susceptibles d'affronter Macron avec succès. Mais qui ? Pour la droite, loin d'avoir reconquis tous ses bastions, le plus prometteur serait François Baroin, dont l'acte le plus fort a été de défendre les maires contre le centralisme jacobin. Autrement, M. Baroin serait, au pouvoir, un Macron-bis. Le même charme, le même pouvoir séducteur et, si on y réfléchit sérieusement, un programme proche de celui du président actuel. Du Macron d'avant le virus.