La REM a perdu 15 députés et n'en compte plus que 298, soit neuf suffrages de plus que la majorité absolue. Mais le malaise est tel au sein du parti qu'il peut craindre de nouvelles défections. Sa position dominante dans chacun des scrutins n'est pas menacée, car il peut compter sur les 46 voix du MoDem. Toutefois, il est clair que l'exécutif perd son slogan, le fameux « en même temps ». Il n'est plus à la fois de droite et de gauche, il se situe plutôt à droite et d'aucuns s'empressent de dire que le fautif, c'est le trio Édouard Philippe, Gérald Darmanin et Bruno Le Maire, tous trois issus de la droite et artisans convaincus des réformes honnies. On en est au point où il est question d'une scission d'En marche, la gauche du mouvement prenant le large et formant un autre parti composé exclusivement d'élus venus de la gauche.
On ne sait pas ce qu'en pense le président de la République, mais la vérité est qu'il n'y peut pas grand-chose. Il s'est battu sans cesse contre toutes sortes d'attaques lancées de l'extérieur, il a reçu des coups et des accusations diffamatoires, il s'est colleté avec une crise sociale dure, longue et hargneuse et il a été placé très vite dans la position de consolider sa politique par une contre-offensive qu'inspirent essentiellement ses promesses de campagne. On ne voit pas comment il pouvait céder davantage à des doléances et exigences qui ont coûté cher sur le plan budgétaire sans retrouver deux tiers des Français hostiles à sa politique, si l'on en croit les sondages.
Rien d'utile à l'horizon
Les élections municipales, dont on nous répète qu'elles ne seront pas ajournées à cause du coronavirus (ce qui fait craindre un pic d'abstentions) confirmeront la baisse de popularité du chef de l'État à deux ans des élections législatives et présidentielle de 2022. Nous sommes partis pour un voyage épuisant à bord du grand huit. L'inquiétude et l'impatience du public sont aggravées par l'épidémie du Covid-19. De sorte que les oppositions ont récupéré leurs forces et tapent sur le pouvoir avec une violence et une répétitivité inouïes. Le climat n'est pas favorable à une réélection d'Emmanuel Macron, il le sait et ne voit aucun horizon se dégager, pas même l'horizon européen, encombré des lourds nuages venus de la politique migratoire des Turcs. M. Macron voudrait bien asseoir son autorité à l'occasion d'un sommet européen sur la question, mais il ne peut pas compter sur la coopération des Allemands, enlisés dans le recul de la CDU, le parti de la chancelière Angela Merkel.
L'Italie, qui a fermé ses écoles pour enrayer l'épidémie de coronavirus, ne sera pas là non plus pour soutenir la fermeté française face à Erdogan et les autres pays de l'Union, si unis lors du Brexit, ne sont pas d'accord avec nous au sujet de l'immigration. Macron utilise donc une diplomatie discrète pour apaiser Erdogan, ce qui n'est pas une manière de renforcer sa position personnelle. Il avait, en outre, conçu les municipales comme une rendez-vous susceptible de lui donner quelques grandes villes, Paris par exemple, mais le projet a avorté. La démission forcée de Benjamin Griveaux, l'insuffisante remontée d'En marche grâce à Agnès Buzyn, l'inexistence d'En marche à Marseille, la confusion à Lyon, le score que vont faire les Verts, il n'y a guère que le Havre où le succès soit possible, grâce à la candidature d'Édouard Philippe. Est-ce que cela signifie que nous assistons au déclin de la macronie avant même de l'avoir vu réussir ? Rien n'est moins sûr. Nous sommes dans un cas de figure où la droite retrouve ses forces, ce qui crée une vive concurrence à la République en marche. De sorte que, en l'absence d'un triomphe diplomatique ou économique, nous allons revenir à un déroulement classique de l'action politique par le jeu des élections.