Une pathologie bruyante et handicapante trop souvent passée sous silence

Prendre en charge la toux chronique

Publié le 28/04/2023
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La toux chronique est fréquente. Une prise en charge rigoureuse est nécessaire pour mettre en évidence une cause. Cependant les toux chroniques réfractaires ou inexpliquées posent de réels problèmes diagnostiques et thérapeutiques.
Les patients restreignent leurs sorties

Les patients restreignent leurs sorties
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Présentées en avant-première lors du 27e congrès de pneumologie de langue française, les nouvelles recommandations de prise en charge de la toux chronique ont établi sa définition comme une toux dont la durée est supérieure à huit semaines (1). Cela permet de la différencier de la toux aiguë post-virale, qui se résout dans les trois semaines, et qui fait suite à une infection virale haute (2). Contrairement à la toux aiguë, qui pose peu de problèmes diagnostiques, la toux chronique est associée à une démarche diagnostique et thérapeutique précise.

Il est important ici de souligner que, chez les patients tousseurs chroniques, bon nombre vont s’améliorer avec une prise en charge classique. Cependant, certains vont présenter une toux chronique réfractaire ou inexpliquée (Tocri), pour laquelle aucune cause n’est retrouvée ou les traitements habituels ne permettent pas d’améliorer la toux. La Tocri pose de réel problème en pratique clinique.

Des complications notables

La toux chronique a un retentissement majeur sur la qualité de vie des patients (3). Les troubles du sommeil, la fatigue, les céphalées, et parfois même les fractures de côtes, sont des complications classiques. L’incontinence urinaire affecte près de 50 % des patients tousseurs chroniques. Le handicap social et psychologique est le plus important, car près de 80 % des patients déclarent éviter les lieux qui imposent le silence, comme le cinéma, le théâtre (4).

Une démarche par étapes

La prise en charge de la toux chronique suit une procédure détaillée dans les recommandations françaises. Ainsi, la première étape est de rechercher des signes de gravité (perte de poids, crachats de sang…). S’il n’y en a pas, il est demandé d’arrêter les médicaments dits tussigènes, et le tabac pour les patients fumeurs. Une réévaluation est faite à quatre semaines.

En l’absence d’amélioration, l’étape suivante est de rechercher les causes fréquentes de toux, telles que l’asthme, les causes rhinosinusiennes et le reflux gastro-œsophagien (RGO). La radiographie de thorax et la spirométrie sont des examens incontournables. En cas de symptômes en faveur de ces causes, un traitement est donné (souvent pour une période de deux ou trois mois). Il est à noter qu’il est recommandé de n’utiliser les inhibiteurs de pompe à proton que chez les patients ayant effectivement des symptômes de RGO. À l’inverse, l’utilisation d’une corticothérapie inhalée est assez large, chez les patients n’ayant pas de causes évidentes.

Sans cause retrouvée ou en cas d’inefficacité du traitement, la toux chronique est dite réfractaire ou inexpliquée (Tocri). Une exploration plus approfondie est nécessaire, en fonction de la plainte du patient.

Une dysfonction neurologique

Il est maintenant établi que la Tocri est en lien avec une dysfonction neurologique du réflexe de la toux. Pour cette raison, les recommandations françaises conseillent d’utiliser des traitements neuromodulateurs, tels que la gabapentine, la prégabaline, l’amitriptyline ou la morphine à faible dose. Compte tenu d’une dysfonction du larynx fréquente chez ces patients, une rééducation orthophonique est souvent nécessaire.

L’arsenal thérapeutique devrait s’étoffer dans les années à venir, avec le développement de thérapeutiques nouvelles comme les antagonistes de P2X3, un récepteur à la toux.

Exergue : Les IPP ne doivent être utilisés qu’en cas de symptômes. Au contraire, la corticothérapie inhalée peut être testée plus largement

* Pôle des voies respiratoires, Service de pneumologie, Hôpital Larrey, CHU de Toulouse

** Centre de physiopathologie Toulouse Purpan, Inserm U1043, CNRS UMR 5282, Université Toulouse III, Toulouse, France

Financement : Aucun

(1) Richard S et al. N Engl J Med. 2000;343(23):1715-21

(2) Curley FJ et al. Am Rev Respir Dis. 1988;138:305-11

(3) Ford AC et al. Thorax. 2006;61(11):975-9

(4) Kuzniar TJ et al. Mayo Clin Proc. 2007 Jan;82(1):56-60

(5) Chung KF. J thor dis. 2014;6(Suppl 7):S699

Pr Laurent Guilleminault *,**

Source : Bilan Spécialiste