Dr Pauline Jouët, gastroentérologue, service d’hépato-gastroentérologie à l’hôpital Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt.

« Régime pauvre en FODMAPs, une efficacité possible mais imprévisible ! »

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Publié le 21/10/2019
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Si le régime pauvre en sucres fermentescibles FODMAPs est désormais très connu du grand public au point que sa popularité dépasse celle du régime sans gluten, ses modalités constitutives et de réintroduction, la dysbiose induite ou les facteurs prédictifs de réponse ne sont toujours pas élucidés. Cette notoriété s’est-elle accompagnée de progrès scientifiques récents ?

Crédit photo : DR

Le régime pauvre en FODMAPs a-t-il confirmé son efficacité dans le syndrome de l'intestin irritable (SII) ?

Dr Pauline Jouët : D'après les études publiées à ce jour, le régime pauvre en FODMAPs, acronyme anglais de "Fermentable Oligosaccharides Disaccharides Monosaccharides And Polyols", semble améliorer les symptômes du SII comme les douleurs abdominales, les ballonnements et les flatulences chez certains patients, tous types de troubles du transit confondus. Mais l’engouement d’il y a quelques années est un peu retombé et l’on ne peut plus affirmer qu’il soulage 70 % des malades, comme dans une étude pionnière australienne parue en 2014 (1). Par exemple, dans un essai plus récent, l’efficacité sur les symptômes est identique entre un régime pauvre en FODMAPs et des conseils diététiques standard (2). Globalement, bien que réunissant des études contradictoires, les méta-analyses publiées en 2017 et 2018 sont en faveur d’une certaine efficacité, difficile à chiffrer (3-4). De plus, il semble possible de réintroduire les FODMAPs en quantité notable sans que cela entraîne de rechute importante : les patients ayant constaté une amélioration symptomatique avec le régime peuvent, par la suite, réintroduire progressivement les différents FODMAPs afin de mieux déterminer ceux qu’ils ne supportent pas, quelle que soit la dose, et ceux qu’ils supportent mais souvent en plus petite quantité (5). Un constat difficile à confirmer en pratique courante. 

En 2019, il n’existe toujours pas de définition consensuelle de ce régime ?

Il varie en effet selon les habitudes alimentaires des pays. De ce fait, chaque étude possède ses propres critères, allant de 3 à 17 g/jour de FODMAPs ! Dans les pays anglo-saxons, un régime "normal" en contient entre 23 et 29 g/j et un régime pauvre en FODMAPs aux alentours de 17 g, contre respectivement 17 g/j et 3 g en Suède.

Quant à la recherche de facteurs prédictifs de bonne réponse, elle piétine et les tests respiratoires au fructose n’ont pas été concluants (6). Des pistes sont évoquées pour identifier des groupes répondeurs au régime : ceux-ci avaient spontanément diminué les FODMAPs dans leur alimentation. Par ailleurs, ils semblent avoir un profil bactérien de leur microbiote fécal différent au départ. Cependant, ces résultats restent du domaine de la recherche et il n’y a pas d’indication à l’heure actuelle de prescrire une analyse du microbiote fécal en pratique courante. 

Quelles sont les nouveautés du côté de la physiopathologie ?

Il a été montré en 2016 chez les patients sous régime pauvre en FODMAPs une baisse de l’histamine urinaire, médiateur de la douleur (7). De plus, à long terme, on s’est rendu compte que ce régime pouvait perturber le microbiote intestinal et induire une dysbiose, dans un sens plutôt délétère avec une moindre abondance en bifidobactéries. Ce déséquilibre pourrait être corrigé par l’ajout de probiotiques (8). 

Une étude de 2018 suggère que les prébiotiques seraient une alternative au régime pauvre en FODMAPS en cas de SII. Qu’en pensez-vous ?

Cette étude récente a comparé les symptômes sous régime à base de beta-galactooligosaccharide ou pauvre en FODMAPs. Les bénéfices sont similaires dans les deux groupes en dépit d’effets opposés sur le microbiote fécal. L’intérêt serait peut-être d’associer les prébiotiques à un régime semi-restrictif en FODMAPs (9). Car ce régime restrictif est difficile à suivre. Pour preuve, à 16 mois, seuls 16 % des participants le suivent correctement (10). Les plus assidus sont ceux ayant des antécédents de troubles du comportement alimentaire, appuyant la nécessité d’un encadrement médical et nutritionnel. 

(1) Halmos EP. Et al. Gastroenterology 2014 ; 146 : 67-75.e5
(2) Böhn L. Et al. Gastroenterology 2015;149:1399–1407
(3) Schumann D et al. Nutrition (2017), doi: 10.1016/j.nut.2017.07.004
(4) Altobelli . al. Nutrients 2017, 9, 940; doi:10.3390/nu9090940
(5) Ruth M Harvie et al. World J Gastroenterol 2017 July 7; 23(25): 4632-4643
(6) Melchior C. et al. United European Gastroenterology Journal2014, Vol. 2(2) 131–137
(7) McIntosh K et al. Gut 2016;0:1–11. doi:10.1136/gutjnl-2015-311339
(8) Bennet SMP et al. Gut 2018;67:872–881. doi:10.1136/gutjnl-2016-313128
(9) Huaman JW t al. Gastroenterology 2018 Oct;155(4):1004-1007
(10) Maagaard L et al. World J Gastroenterol 2016 April 21; 22(15): 4009-4019

Hélène Joubert

Source : lequotidiendumedecin.fr