* Nicholas Stargardt, qui enseigne l’histoire à l’université d’Oxford, est né en Australie, où son père a émigré en 1939. Trois ans après le très remarqué « la Guerre allemande. Portrait d’un peuple en guerre 1939-1945 », « Des enfants en guerre. Allemagne 1939-1945 » (1), publié en Angleterre en 2005, est enfin traduit. À partir d’archives (journaux intimes, correspondances entre parents et enfants, dossiers médicaux, dessins, devoirs d’écoliers, etc.), il analyse les parcours de vie d’enfants juifs, polonais, allemands, tchèques ou roms, sous les bombes des Alliés, dans les camps de concentration, sous l’uniforme de soldat, sur les chemins de l’exode. « Les enfants ne furent pas simplement les témoins muets et traumatisés de cette guerre, ni simplement ses victimes innocentes. Ils vécurent aussi dans la guerre ; la guerre envahit leur imaginaire et se déchaîna en eux. »
* Après un roman sur l’enfance maltraitée (« le Sort tomba sur le plus jeune »), Sophie Blandinières donne, avec « la Chasse aux âmes » (2), un roman qui interroge. Dans l’enfer du ghetto de Varsovie, en 1940, trois femmes, une chrétienne et deux juives, organisent un réseau clandestin pour faire passer des enfants en zone aryenne. Pour les sauver au prix d’une nouvelle identité, d’un nouveau foyer, d’une nouvelle foi, d’une nouvelle culture – d’une redéfinition même de l’être.
* Oscar Lalo (« les Contes défaits ») évoque une des monstruosités du Troisième Reich pour multiplier la « race supérieure », les Lebensborn. Au soir de sa vie – elle est née en 1943 en Norvège, de géniteurs inconnus, dans une de ces fabriques natalistes imaginée par Himmler –, elle voudrait dire à ses enfants d’où ils viennent, « même s’ils viennent de nulle part ». Elle a souffert toute sa vie de cette vacuité, parce qu’elle est de « la Race des orphelins » (3). Si le fait historique est connu, le roman, composé d’une succession de fragments, est poignant.
* « Le Journal de Renia » (4) est le témoignage bouleversant de Renia Spiegel, qui, de janvier 1939, lorsqu’elle avait 15 ans, jusqu’à juillet 1942, où elle a été dénoncée par un voisin et tuée par la Gestapo, a raconté sa vie et celle de sa famille, juive, à Przemysl, une petite localité du sud-est de la Pologne. Survivant du camp d’Auschwitz, son petit ami a récupéré le journal, qu’il avait pu cacher, pour le donner, dans les années 1950, à la mère et à la sœur de Renia exilées aux États-Unis ; elles l’ont conservé dans un coffre jusqu’à ce que sa famille le rende public en 1979.
* La psychologue allemande Barbara Zoeke a choisi la forme du roman pour décrire le programme d’extermination, au moyen de chambres à gaz spécialement construites à cet effet dans six centres dédiés, d’adultes handicapés physiques et mentaux de 1939 à août 1941. « L’Heure des spécialistes » (5) met en scène quelques futures victimes d’Aktion T4 et leurs bourreaux, qui, les uns pour avoir mal estimé le danger ou trop tard, les autres par souci de carrière ou par conviction, se laissent entraîner dans l’indicible.
Une jeunesse à Berlin
* Dramaturge souvent publié et primé, Gérald Sibleyras, 59 ans, a rédigé sous le titre « Une blouse serrée à la taille » (6) et sous une forme sobre et dépouillée, le journal de sa mère qui est née à Berlin en 1929 et morte à Paris. Depuis l’âge de 5 ans, où remonte son premier souvenir, elle se remémore l’arrivée d’Hitler au pouvoir, son enrôlement dans les Jeunesses hitlériennes, les bombardements, l’entrée des troupes soviétiques à Berlin et l'instauration du régime communiste, puis son passage in extremis à Berlin-Ouest, son exil en Autriche avant la France, afin de tenter de bâtir une nouvelle vie.
* Après « Une saison de granit » qui se déroulait en 1943, Florian Ferrier, connu notamment pour ses scénarios de bande dessinée, revient sur cette guerre avec un imposant roman, « Déjà l’air fraîchit » (7). Une jeune Allemande qui fut bibliothécaire-experte pour la SS, qui a donc côtoyé le gotha du système et assisté aux pillages et aux destructions d’ouvrages, est en prison. En attendant son jugement par les Alliés, elle revit son parcours depuis ses 6 ans, en 1925. Ambition, opportunisme, faiblesse et amour forment la trame hautement dramatique de sa vie.
* Créatrice textile et graphiste, Anne de Rochas innove dans l’écriture avec un roman qui court de la création du Bauhaus en 1925 à la chute du mur de Berlin en 1989. Dans le temple de l’art, trois jeunes gens mêlent leurs amitiés et leurs amours ainsi que leurs convictions artistiques et politiques ; ils les conduiront l’un en Union Soviétique et l’autre en Amérique, tandis que la troisième sera « la Femme qui reste » (8).
* Mélanie Levensohn s’est inspirée de la vie d’un des membres de sa famille pour écrire « l’Écho des promesses » (9), qui nous mène de Washington en ce début de siècle au Montréal des années 1980 et à Paris en 1940, où a disparu soudainement Judith. Trois destins liés par une promesse.
* Auteur prolixe et aux modes d’expression multiples pour aborder principalement le Japon, le bondage et la période de la Seconde Guerre mondiale, Romain Slocombe ajoute une pierre à sa fameuse « trilogie des collabos » : dans « la Gestapo Sadorski » (10), l’inspecteur Léon Sadorski, collaborateur et antisémite notoire, chargé de traquer les « terroristes » juifs FTP-MOI, est requis après l’assassinat d’un important dignitaire nazi, à Paris, en octobre 1943. Un polar historique ultradocumenté qui reflète la réalité, le « héros » de l’histoire n’étant pas sans rapport, rappelle l’auteur, avec les activités réelles de l’inspecteur principal adjoint Louis Sadovsky des Renseignements généraux et des Jeux.
(1) La Librairie Vuibert, 523 p., 29 € (2) Plon, 204 p., 18 € (3) Belfond, 279 p., 18 € (4) Les Escales, 423 p., 21,90 € (5) Belfond, 244p., 22 € (6) Éditions de Fallois, 184 p., 18 € (7) Plon, 671 p., 22 € (8) Les Escales, 472 p., 20,90 € (9) Fleuve Éditions, 392p., 19,90 € (10) Robert Laffont, 585 p., 21 €