Bien qu'il ait pris trois semaines de « repos » à Fort-Brégançon, le président de la République n'a pas chômé au mois d'août. Très présent sur le front diplomatique, il a eu à gérer l'attentat anti-français au Niger et le coup d'État au Mali, les agressions de la Turquie en Méditerranée orientale, les résultats falsifiés du scrutin présidentiel en Biélorussie, et plus grave, les attaques multiples dont il a fait l'objet sur tout et n'importe quoi. Car, sur le plan de la critique, ses détracteurs ne partent jamais en vacances. Je les soupçonne même de trouver dans la médisance un si puissant plaisir qu'ils n'en prendront pas, même si nous nous changeons de chef d'État en 2022. Si, au moins, Emmanuel Macron avait pu se concoter une bonne rentrée toute simple, gentille, sereine, sympathique. Il ne faut pas rêver. L'opposition l'attend au tournant, c'est-à-dire depuis la date fatidique du 1er septembre qui a donné le signal de l'assaut, contre la gestion du Covid, bien sûr, mais aussi d'une grande manifestation syndicale le 17 septembre contre rien en particulier et contre tout en général.
Voici donc un pays délicieux que les Français ont pu redécouvrir pendant l'été dès lors qu'ils n'ont pu se rendre à l'étranger pour la plupart. Un pays que rien n'abat, ni la pandémie pourtant terrifiante, ni l'effondrement de l'économie, ni la crainte du chômage, mais qui restera agréable tant qu'on pourra y manifester, brailler en défilant et, au passage, casser quelques vitrines. C'est surprenant : nous nous réveillons de l'été, qui fut chaud, donc peu propice à la polémique, pour constater que rien n'a changé : le pouvoir est toujours lardé de coups de couteau, la contamination progresse, les perspectives économiques et sociales demeurent aussi décevantes qu'elles l'étaient au début de juillet.
Une bêtise épaisse.
Rien n'a changé non plus sur le plan politique : en dépit de la détestation que Macron inspire au peuple, on n'a pas vu les universités d'été apporter un progrès à l'union des gauches ou des droites. On n'a pas vu les Verts se rassembler autour d'un seul homme, ni les Verts se rapprocher des socialistes, des hamonistes ou de la France insoumise, ni vu la République en marche, si harcelée par l'opposition et les médias, perdre vraiment du terrain. Même le virus n'est pas venu à bout de l'entêtement indestructible du caractère français : nous voyons de plus en plus de concitoyens contaminés, mais moins de citoyens qui se rallient aux gestes-barrières. Il existe encore des gens bien sous tous rapports qui déclarent ne rien comprendre à la discipline décrétée par un État proche du totalitarisme, comme si la perspective de mourir par suffocation n'était pas suffisante pour se prémunir contre le malheur. Les décisions du gouvernement sont peut-être discutables, mais le comportement des gens pour qui la prévention serait inutile traduit tout de même une bêtise épaisse.
Comme on n'a jamais fini en France de prendre des risques supérieurs à ceux que l'on veut combattre, nous voilà repartis dans un débat sur le scrutin proportionnel aux législatives. François Bayrou, chef du MoDem et donc allié de la République en marche, réclame aujourd'hui la proportionnelle intégrale après avoir exigé naguère une dose de proportionnelle à 25 %. Ce subit raidissement va seulement compliquer les relations entre la REM et le MoDem ; il n'y a en effet aucune raison que M. Macron accepte de se suicider. Mais je vois dans les doléances de M. Bayrou un danger que, dans son désir d'avoir plus de députés, il néglige énormément : celui de laisser arriver à l'Assemblée des cohortes de députés du RN et de la France insoumise et le retour au régime des partis qui a fini par couler la IVe République. Pourquoi, au nom de la justice politique et de l'égalité des chances, faudrait-il livrer le pays aux extrêmes? J'essaie de comprendre cette alliance absurde des intérêts du MoDem, de la LFI et du RN.