L'Ordre des médecins, mis en cause pour son attitude face au chirurgien pédocriminel Joël Le Scouarnec, est chargé d'assurer la discipline dans la profession médicale, mais il est régulièrement accusé d'avoir une approche trop corporatiste et conservatrice.
Dans le détail, il revient aux ordres départementaux et à leurs instances de vérifier la qualification du médecin candidat à l’inscription. Les CDOM sont également chargés de veiller au respect de la déontologie médicale par les praticiens. Ils recueillent les doléances et plaintes contre les médecins dans l’exercice de leur activité, et le cas échéant doivent présenter ces médecins devant une chambre disciplinaire régionale.
Celle-ci peut notamment prononcer des peines d’avertissement, de blâme ou d’interdiction d’exercice, temporaire ou définitive. Un appel est possible devant la chambre disciplinaire nationale.
« Manque de rigueur » dans le traitement des plaintes pour la Cour des comptes
Dans un rapport de 2019, la Cour des comptes a dénoncé « un manque de rigueur dans le traitement des plaintes » contre les médecins, et « une justice disciplinaire marquée par les dysfonctionnements ».
En matière d'agressions sexuelles notamment, « les conseils départementaux prennent rarement l'initiative » de lancer une procédure disciplinaire, et « s'associent également peu aux plaintes des patients, sauf lorsque le médecin mis en cause reconnaît les faits », souligne le rapport.
Au procès du chirurgien pédocriminel Le Scouarnec, qui s'est ouvert lundi 24 février à Vannes, l'Ordre des médecins s'est porté partie civile au grand dam des associations de défense des victimes, et de certains médecins, qui lui reprochent son inaction (lire encadré).
Mesures correctives
Selon la Cour, de 2014 à 2017, 150 plaintes ont été déposées auprès de l'Ordre pour des faits à caractère sexuels, soit à peu près 3,5 % du total des plaintes.
« La surreprésentation d’hommes (91 %) âgés et retraités (40 %) au sein du Conseil national, ainsi que la longévité des mandats exercés, ne favorisent pas la prise de conscience d’un changement nécessaire », avait aussi noté la Cour.
Depuis, des mesures correctives ont été mises en œuvre. La parité homme-femme est progressivement mise en place dans les instances. L'Ordre national a par ailleurs resserré son contrôle sur les ordres départementaux, notamment en ce qui concerne le traitement des plaintes.
De leur côté, les associations de patients relèvent que l'Ordre, lent à donner suite aux doléances de patients, peut être en revanche très prompt à poursuivre pour non-confraternité les médecins qui dénoncent les pratiques de leurs confrères.
Des médecins accusent l’Ordre d’avoir « fermé les yeux »
« L'ordre des médecins a fermé les yeux » sur le cas Le Scouarnec « alors qu'il n'arrête pas de nous dire qu'il est le garant de l'intégrité de la profession médicale », a accusé mardi 26 février le Dr Bernard Coadou, médecin bordelais à la retraite, engagé de longue date contre l’Ordre, et cosignataire avec 57 confrères d'un courrier dénonçant la « coresponsabilité » de l’organisation dans l'affaire.
Dans sa lettre envoyée le 21 février aux 58 conseillers ordinaux du Cnom (et à son président, le Dr François Arnault), majoritairement signée par des médecins retraités, le Dr Coadou estime que « la crédibilité de l’Ordre des médecins est fortement mise à mal dans cette affaire » et dénonce « l’impunité » qui a profité à Joël Le Scouarnec. Les signataires jugent également que l’Ordre, en choisissant de figurer sur le banc des parties civiles et des victimes du pédocriminel, a adopté une position « illégitime et indigne ».
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