Affirmer que l’intelligence artificielle se substituera au médecin n’a pas grand sens et ce pour au moins deux raisons.
D’abord, parce que, contrairement à ce que l’on affirme souvent, les dispositifs technologiques ne sont pas indépendants de nous en ce sens que ce sont des dispositifs « sociotechniques » qui ne prennent sens qu’au sein d’une organisation humaine au regard d’un besoin et d’une pratique. Par exemple, en biologie, les machines automatiseront de plus en plus de tâches d’analyse et les exécuteront à notre place. Cependant, toutes ne seront pas aussi performantes que nous : certaines seront exécutées plus rapidement, mais avec moins de précision et de discernement. Il faudra alors regarder comment ce dispositif s’insère dans le processus de la décision médicale, car le résultat aura une grande incidence sur le parcours de soin et la vie du patient.
L’autre question soulevée est la suivante : lorsque des ordinateurs proposeront de prendre des décisions, quel sera statut de ces suggestions : seront-elles contraignantes ou simplement consultatives ? Par exemple, un système prédictif établissant un diagnostic de façon automatique le fera-t-il dans l’objectif d’éclairer le médecin ou de prendre la décision à sa place ? Autrement dit, à terme le médecin sera-t-il obligé de suivre la décision énoncée par la machine, au risque, sinon, d’être passible de sanctions et de poursuites pénales de la part des assurances santé ou des patients ? À titre personnel, je crois que cela conduise à éluder la responsabilité du médecin, ce qui changerait sa fonction. Indépendant de cette forme d’asservissement du médecin à la machine, l’écueil serait qu’à terme il perde ses compétences puisque les machines décidant à sa place son rôle se ramènerait à celui d’un simple exécutant.
En vérité, je suis beaucoup moins pessimiste : je crois que l’IA ne se réduit pas à de simples automatismes et que son rôle ne sera pas de remplacer le médecin, mais de lui permettre de surmonter les difficultés de son métier en lui offrant des systèmes de recherche d’information qui l’aideront à explorer la littérature.
À la mémoire de notre consœur et amie
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