Il avait jusqu’à présent gardé le silence, se contentant de renvoyer, lors de son discours de politique générale, le délicat débat sur la fin de vie au « pouvoir d’initiative » du Parlement. Le Premier ministre François Bayrou souhaite scinder en deux le projet de loi, de sorte qu’il n’y aurait plus un seul texte, mais deux lois : l’une consacrée aux soins palliatifs, l’autre dédiée à l’aide à mourir.
Le projet de loi sur la fin de vie est le fruit de longs mois de réflexion, ponctués par l’avis 139 du Comité consultatif national d’éthique en septembre 2022 puis par la Convention citoyenne en 2023. Présenté en Conseil des ministres au printemps 2024 et débattu jusqu’à dissolution du Parlement l’été dernier, il ouvre la possibilité d’une aide à mourir en même temps qu’il renforce les soins d’accompagnement et le droit des patients et des aidants.
En parallèle a été lancée en avril 2024 la stratégie décennale sur les soins palliatifs 2024-2034 dotée de 100 millions d’euros de mesures nouvelles chaque année pour promouvoir une prise en charge plus globale et précoce. Et qui a besoin d’une loi pour que soient créées, notamment, les maisons d’accompagnement, structures hybrides entre le sanitaire et le médico-social pour des patients stables mais graves.
Une « même temporalité parlementaire »
Dissocier les deux volets du projet initial est loin d’être anodin. L’aide à mourir « est une question de conscience » quand les soins palliatifs relèvent d’« un devoir de la société à l'égard de ceux qui traversent cette épreuve », a justifié l'entourage du locataire de Matignon. La distinction est surtout une demande des adversaires de l’euthanasie et du suicide assisté, tandis qu’elle est vécue comme un revers pour les partisans d’une aide légale à mourir. Leur crainte : que ce sujet soit ajourné sine die, même si l'entourage du Premier ministre assure que les deux thèmes seront examinés dans la « même temporalité parlementaire ».
« Ce sujet sera à l'agenda le plus vite possible. Il n'est pas question du tout de l'abandonner, mais il est question de libertés individuelles, du vote du Parlement sur des sujets qui sont des sujets distincts », a assuré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas à l'issue du Conseil des ministres, ce 22 janvier. « Le Premier ministre est très attaché à cette liberté parlementaire de pouvoir avoir une réponse à chacun de ces sujets. Quand vous devez en même temps répondre à la question sur l'accès de chacun aux soins palliatifs et sur l'aide active à mourir, vous n'avez pas de liberté sur aucun des deux choix, puisque l'un engage l'autre », a-t-elle encore justifié.
Satisfaction de la Sfap, inquiétude des défenseurs de l’aide à mourir
En optant pour deux textes, François Bayrou, dont le gouvernement compte plusieurs opposants à l’aide à mourir à commencer par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, reprend la position de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap). « C'est quelque chose que l'on demandait depuis le début », a déclaré à l'AFP sa présidente, la Dr Claire Fourcade. « Le sujet des soins palliatifs, qui pourrait avancer très vite, est freiné par le fait d'être couplé à un sujet plus clivant et complexe ». Et auquel s’oppose la Sfap, au motif que « donner la mort n’est pas un soin ».
Le collectif démocratie, éthique et solidarité, une cinquantaine de personnalités du monde médical, juridique, politique, coordonnées par Emmanuel Hirsch, salue un « engagement politique lucide et courageux qui contribue à reprendre une concertation sur des bases dignes de nos principes de démocrates ».
À l’inverse, la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet - une macroniste de la première heure – s'est dite « opposée » à cette « scission ». « J’attends que le gouvernement et le Premier ministre réinscrivent ce texte dans son ensemble à l’Assemblée nationale » et ce dès « aujourd'hui », a-t-elle réagi sur France 5. Même désapprobation du côté du député Olivier Falorni (apparenté MoDem), qui avait coordonné les travaux sur le projet de loi lors de son passage à l'Assemblée. Après la dissolution, il avait déposé une proposition de loi reprenant le texte dans sa dernière version signée par 235 députés…Et soutenue par l’ex ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq. « Soins palliatifs et aide à mourir sont complémentaires, a insisté Olivier Falorni auprès de l'AFP. Ils doivent être abordés maintenant et en même temps, pas séparément et dans longtemps ». « Scinder le texte serait une erreur, considère encore Agnès Firmin-Le Bodo, députée Horizons et cheville ouvrière du projet initial. Ce serait opposer soins palliatifs et aide à mourir alors qu’il y a un continuum entre les deux ».
« Séparer le texte, c'est céder aux représentants religieux et aux opposants à l'euthanasie, séparer pour finalement ne rien faire ? », s'est enfin interrogée sur le réseau X l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD).
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