Alors que les premiers camions d’aide humanitaire entrent depuis le 21 octobre dans la bande de Gaza par le point de passage de Rafah à la frontière égyptienne, la situation sur place reste « chaotique », témoigne auprès du Quotidien la Dr Guillemette Thomas, coordinatrice de Médecins sans frontières (MSF) pour la Palestine à Jérusalem.
Hôpitaux débordés, manque de médicaments, structures de santé endommagées, etc. : le personnel de l’ONG, qui totalise plus de 200 volontaires dans la bande de Gaza, rapporte une dégradation continue des soins.
Afflux de blessés dans les hôpitaux
Les hôpitaux font face à un « afflux de cas graves avec des blessures complexes », explique la Dr Thomas. Le manque d'antalgiques, d'antibiotiques ou encore d'anesthésiques entrave la réalisation des interventions chirurgicales. Et, « même après une opération, les chances de survie sont infimes tant les soins complexes sont quasiment impossibles à réaliser dans les conditions actuelles », souligne-t-elle.
Sans moyens, les équipes médicales sont aussi « épuisées » - après 17 jours de guerre entre Israël et le Hamas - et « réduites », après que des soignants ont quitté le nord de la bande de Gaza à la suite de l’ordre d’évacuation lancé par les autorités israéliennes. Les soignants ne devraient jamais être « confrontés au choix impossible » de « partir pour sa propre sécurité » ou de « rester pour soigner », se désole la Dr Thomas.
Dans la ville de Gaza, le plus grand centre de chirurgie de l’enclave palestinienne, l’hôpital Al-Shifa, où MSF a assuré un service pour les grands brûlés pendant des années, « 5 000 malades sont encore pris en charge sans pouvoir être évacués », poursuit-elle. Au début du conflit, MSF a donné l’intégralité de ses stocks (correspondant à 6 mois d’activité), mais « c’est déjà insuffisant », déplore-t-elle.
La pénurie générale de médicaments affecte aussi les malades chroniques et ceux atteints de cancer. Plus aucun soin de santé primaire n’est par ailleurs assuré. « Tous les patients se dégradent et sont en danger, s’inquiète la coordinatrice de MSF. La bande de Gaza compte par exemple environ 1 000 dialysés. Mais, 80 % des structures de soins sont au nord et subissent des bombardements à un niveau jamais égalé ».
Les hôpitaux et les structures de soins sont également débordés par l’arrivée de Gazaouis cherchant un refuge sûr face aux bombardements incessants. « Les gens s’entassent partout… Même les couloirs sont pleins », rapporte-t-elle.
Crainte pour la population déplacée
Le sort des personnes déplacées (1,4 million de personnes) suscite de fortes inquiétudes. « L’accès à l’eau est l’enjeu central, insiste la Dr Thomas. La population déplacée s’entasse dans les abris, reste souvent dehors, dans une grande promiscuité. Les conditions d’hygiène sont très mauvaises. On commence à observer le développement d’épidémies dans les camps de déplacés sans aucun accès aux soins possible. »
Dans les jours qui viennent, la crainte est de voir une vague de personnes malades à cause de ces conditions de vie : diarrhée, infections respiratoires et cutanées, déshydratation, etc. En Cisjordanie, la situation inquiète aussi en raison du niveau élevé de violences et des difficultés d’accès aux soins.
L’urgence est un « un cessez-le-feu dans toute la zone » (de la bande de Gaza), plaide la coordinatrice de MSF depuis Jérusalem. « Les hôpitaux doivent pouvoir fonctionner à nouveau », poursuit-elle. La priorité est aussi de permettre l’arrivée de l’aide internationale qui patiente à la frontière égyptienne. Les camions qui ont pu passer la frontière sont « une goutte d’eau par rapport aux besoins de la population ».
Assurer la sécurité des convois
Avant le siège imposé par les autorités israéliennes deux jours après l’attaque sanglante du Hamas et l’enlèvement de civils le 7 octobre, « 200 à 300 camions par jour assuraient l’approvisionnement de la bande de Gaza », soumise à un blocus terrestre, maritime et aérien depuis la prise de pouvoir du Hamas en 2007, rappelle la Dr Thomas. Un cessez-le-feu assurerait la sécurité des convois. Pour l’instant, « une fois la frontière franchie, les camions peuvent se retrouver sous les bombardements », dénonce-t-elle.
Dès qu’une « ouverture durable » sera en place, trois équipes chirurgicales complètes (chirurgien, anesthésiste, réanimateur, etc.) sont prêtes à intervenir, détaille la Dr Thomas. Le soutien humanitaire doit aussi concerner les personnes déplacées « avant que leur santé ne se dégrade de façon dramatique », ajoute-t-elle.
D'autres voix s’élèvent depuis plusieurs jours pour réclamer un cessez-le-feu humanitaire, et notamment l’ONU. Pour l’heure, seul un « flux continu » d'aide acheminée depuis l’Égypte, a été annoncé le 22 octobre par le président américain, Joe Biden, et le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou.
La question d'un cessez-le-feu était également à l’agenda des discussions des 27 pays de l'Union européenne dont les ministres des Affaires étrangères se réunissent ce 23 octobre au Luxembourg. « Personnellement, je pense qu'une pause humanitaire est nécessaire pour permettre à l'aide humanitaire d'être distribuée », a déclaré le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell. Gaza a besoin de « plus d'aide, plus rapidement », a-t-il ajouté.
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