Un suspense à quatre milliards de dollars. Vendredi 21 février, le secteur américain de la recherche avait le regard tourné vers le tribunal de Boston et les doigts croisés. Dans une salle d’audience de la cour du Massachusetts, la juge fédérale Angel Kelley devait décider si des coupes budgétaires voulues par le nouveau gouvernement de Donald Trump allaient être maintenues.
Cet épisode illustre la fébrilité qui a saisi le secteur de la recherche médicale et scientifique depuis le début du second mandat du républicain, confronté à des suspensions d’essais cliniques tandis que des dizaines de milliers d’emplois sont sur la sellette… Et ce alors que la grippe aviaire frappe durement le pays et qu’une épidémie de rougeole a déjà touché plus de 100 personnes au Texas et au Nouveau-Mexique.
Avec l’appui du milliardaire Elon Musk et de ses équipes groupées sous l’étiquette du Département pour l’efficacité gouvernementale (ou DOGE), le nouvel exécutif sabre dans les subventions fédérales, au nom du dégraissage de l’administration et d’une meilleure utilisation des deniers publics, déclenchant des joutes devant les juges.
Le 21 février, après deux heures d’audience, la juge Kelley a prolongé la suspension qu’elle avait prononcée le 10 février, sans trancher sur le fond. La magistrate avait été saisie à la suite d’une plainte émanant d’une vaste coalition de facultés de médecine, d’hôpitaux et d’autres organismes de santé, d’un groupe de 22 procureurs généraux ainsi que d’associations universitaires et d’écoles.
Besoin de stabilité
Cette coalition conteste un avis émis le 7 février par les National Institutes of Health (NIH, principaux organismes de recherche médicale américains) visant à plafonner à 15 % leur contribution financière pour aider à couvrir les coûts indirects de la recherche biomédicale (frais administratifs, entretien des laboratoires, etc.). Sont notamment concernés les universités, les centres de cancérologie et les hôpitaux du pays. « J’étais dans un bar avec d’autres chercheurs et quand nous avons appris ce qu’envisageaient les NIH, cela a créé un vent de panique, retrace le Pr Theodore Price, professeur en neurosciences à l’université du Texas, à Dallas. La science est un secteur difficile qui a vraiment besoin de stabilité. » Si ces coupes étaient confirmées, le chercheur texan estime que ses équipes et lui seraient contraints d’arrêter d’utiliser des bases de données et d’imagerie utilisées au quotidien.
Lettre ouverte signée par 1 000 chercheurs
Rapidement, une lettre ouverte a circulé et recueilli dès les premières 48 heures plus d’un millier de signatures de chercheurs répartis dans tout le pays, jusque dans les États républicains de Caroline du Nord, du Texas ou d’Alabama. « J’ai signé cette lettre car je pense que le secteur de la recherche constitue un domaine d’excellence de notre pays et que c’est très important pour notre avenir, poursuit Theodore Price. Sans la science, nous ne pouvons pas améliorer le monde. Et ce n’est pas cela que je veux pour mes enfants. »
Les craintes du scientifique font écho à celles exprimées dans la lettre ouverte : « La proposition du gouvernement de réduire à néant le financement des NIH pour les installations et les frais administratifs menace de mettre fin au leadership américain en matière d’innovation scientifique et d’affaiblir notre économie », est-il écrit. Les signataires soutiennent qu’un dollar investi dans la recherche rapporte plus de 2,50 dollars à l’économie américaine.
De scientifique, la contestation devient politique
Désormais, la mobilisation dépasse le cadre du secteur scientifique. La veille de l’audience, une coalition d’élus emmenée par la maire démocrate de Boston, Michelle Wu, a proposé à la cour de lui fournir des informations pour l’aider à trancher.
« Si les coupes sont maintenues, je n’aurais pas d’autre choix que de devoir me séparer de personnes qui travaillent dans mon laboratoire, conclut Theodore Price. Ce sont des chercheurs extrêmement talentueux qui viennent du monde entier et cela me brise le cœur. »
La juge Kelley, nommée par Joe Biden lors de son mandat, n’a pas précisé quand elle rendrait sa décision.
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