« S’agissant de l’aide à mourir, le chemin sera encore long : le texte va désormais être examiné au Sénat, où il fera, j’espère, l’objet de la même écoute et de la même recherche de consensus » qu’à l’Assemblée nationale. Ainsi la ministre de la Santé Catherine Vautrin a-t-elle salué le vote de la proposition de loi ouvrant un nouveau droit, à une majorité qui traduit les divisions de l’hémicycle où les groupes n’avaient pas donné de consigne de vote : 305 députés ont voté pour ce texte défendu par Olivier Falorni (Modem), essentiellement au centre et à gauche, 199, contre (droite et extrême droite), et 57 se sont abstenus. Par contraste, la proposition de loi visant à garantir l'égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs a été votée à l’unanimité : 560 pour, et trois absentions.
Contrairement à ce qui était redouté, les débats ne sont pas enlisés, malgré les près de 2 500 amendements examinés au cours d’une centaine d’heures, et l’ensemble des députés a salué leur tenue. « Comme en commission, le débat a été exigeant, digne et respectueux des convictions de chacun… L’Assemblée nationale s’est élevée à la hauteur des enjeux », a déclaré sa présidente Yaël Braun-Pivet (Ensemble). « Ce fut un débat habité, non seulement par des opinions ou des convictions mais par la vie même – sa beauté, sa finitude et ce que nous devons à celles et ceux qui s’apprêtent à la quitter », a salué Agnès Firmin le Bodo (Horizons). L’émotion fut d’ailleurs palpable dans la voix de la députée écologiste Sandrine Rousseau, dont la mère atteinte d’un cancer s’est suicidée en 2013, avait-elle rappelé le 24 mai, ou dans les hommages rendus, par les responsables de tout bord politique, aux acteurs des soins palliatifs.
Un « abandon » versus « un modèle français »
Mais sur le fond, les oppositions demeurent. « Ne voyez-vous pas toute la violence de cette proposition ? (…) Cette loi est faite par des gens bien-portants, qui sont terrorisés à l’idée de perdre leur autonomie, mais elle s’appliquera aux pauvres et aux isolés » a dénoncé Philippe Juvin (Droite républicaine), qui n’a eu de cesse de s’opposer à la PPL. « Si vous entrouvrez la porte de l’abandon, elle ne se refermera plus jamais », a averti Christophe Bentz (RN).
« Je crois aux progrès de la médecine, à l’espoir de guérison et à la vie ; mais accompagner la vie, c’est accompagner la mort aussi, lorsque l’espoir n’est plus, lorsque les souffrances sont inapaisables », a de son côté expliqué le socialiste Stéphane Delautrette, saluant une loi qui s’inscrit dans le sillage des « grandes avancées sociétales de ces dernières décennies : le droit à l’IVG, l’abolition de la peine de mort, la loi Kouchner, la loi Claeys-Leonetti et le mariage pour tous ». Agnès Firmin le Bodo mais aussi l’Insoumise Élise Leboucher ont plébiscité un modèle français, très spécifique, d’aide à mourir.
Les divisions persistent à la tête de l’État. « Le vote par l'Assemblée nationale des textes sur le développement des soins palliatifs et l'aide à mourir est une étape importante. Dans le respect des sensibilités, des doutes et espoirs, le chemin de fraternité que je souhaitais s'ouvre peu à peu. Avec dignité et humanité » a réagi Emmanuel Macron ce 27 mai. Son Premier ministre François Bayrou avait fait part le matin même de « ses interrogations » et confié qu’il se serait « abstenu » de voter le texte à l’Assemblée s’il avait été député. Une position qui rejoint celle de Yannick Neuder : sur France info ce 28 mai, il a dit ne « pas être certain » qu'il aurait voté cette proposition de loi, s'il était encore député Les Républicains de l'Isère. Le ministre chargé de la Santé a mis en garde contre le danger que « l’aide active à mourir soit une solution parce qu’il n’y a pas de soins palliatifs, ou parce qu’il y a de la difficulté d’accès aux soins ». Et d’appeler à être « robuste sur les critères », à « respecter la clause de conscience et le volontariat des soignants », et à être vigilant sur la collégialité médicale.
Un texte fidèle à l’avis du CCNE
Dans la société civile, les opposants et partisans ont rappelé leurs positions. « L’heure est à la joie pour celles et ceux d’entre nous qui perçoivent l’espoir d’une fin de vie maîtrisée, épargnée des souffrances inapaisables et des agonies inutiles », a salué Jonathan Denis, président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) qui milite de longue date pour cette réforme. « Mais l’heure n’est pas au triomphalisme, tant le temps qui s’ouvre aujourd’hui, avant la promulgation de la loi, sera encore trop long pour celles et ceux qui souffrent », a-t-il ajouté.
Claire Thoury, membre du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et présidente du Comité de Gouvernance de la Convention citoyenne, a salué « un moment historique sur le plan démocratique ». « La Convention citoyenne du Cese a rappelé aussi que la loi ne gagne pas à être écrite dans l’urgence ou l’émotion, mais dans la maturation des idées » ajoute le président du Conseil Thierry Beaudet.
À l’opposé, la société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) regrette un « changement fondamental de la mission des soignants ». « Ce texte sur l'aide à mourir ne répond pas à des situations d'exception mais instaure une nouvelle norme du mourir », a déploré sa présidente, Claire Fourcade. « Il s'inscrit dans un contexte actuel où l'offre de soin est terriblement déficiente, ce qui ne permet pas le libre choix », a-t-elle ajouté. La Sfap a néanmoins salué l'adoption de la proposition de loi sur les soins palliatifs, qui comporte des « innovations utiles », même si elle ne répond pas aux défis posés par le manque de moyens ou de professionnels.
Interrogé par Le Quotidien, le spécialiste des soins palliatifs, le Pr Régis Aubry, a salué un texte « fidèle » à l’esprit de l’avis 139 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), dont il a été rapporteur. « L’écriture des textes d’application sera très importante, notamment pour détailler les modalités de la délibération collective, qui permet de diminuer la subjectivité des décisions, et les rôles de la commission de contrôle, cruciale pour éviter les dérives. »
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