Décision Santé. Quelle est votre réaction suite à la demande du président Macron ?
Christophe Prudhomme. Je n'en tire rien de très positif. La seule nouveauté, c'est que pour la première fois ni le président ni son ministre de la Santé ne sont dans le déni sur l'état des lieux. Emmanuel Macron a repris les chiffres que l'on citait déjà depuis un certain temps sur l'abandon des études dans les écoles d'infirmières. Par contre, sur le traitement pour guérir le malade qui nécessite des mesures de réanimation, le président n'est pas du tout à la hauteur. Or il nous a déroulé une litanie de mesures déjà connues, dont certaines ont montré qu'elles étaient inefficaces, voire contreproductives. Prenons l'exemple des assistants médicaux. Je suis conseiller à la Cnam pour la CGT. L'objectif était déjà d'arriver à 10 000 assistants. Rien de nouveau. Et le bilan n'est pas formidable. Au mieux, cela permet d'augmenter la file active médecin traitant de 10 %. Quant à la régulation de l'installation des médecins, il n'a rien dit. C'est aussi le bilan de la Cnam dans ses rapports, toutes les mesures qu'il a évoquées sont des échec. Au mieux, cela a un peu limité l'aggravation des zones déficitaires, même si elles le sont bien plus qu'il y a vingt ans.
D. S. Que préconisez-vous alors ?
C. P. La population ne s'y retrouve plus, elle ne souhaite plus de dépassements d'honoraires et veut un médecin à sa disposition, et pas un standard de type Doctolib, avec des patients consommateurs qui n'annulent pas leur rendez-vous. Le président a cité les 6,5 millions de Français qui n'ont pas de médecin traitant dont les 600 000 personnes atteintes d'ALD. Or pour les prendre en charge, il faudrait s'interroger sur le fait que les médecins ne font plus de visites à domicile. Le constat est le suivant, les médecins libéraux deviennent des salariés indirects de la Sécurité sociale. Mais cette dernière ne doit pas financer les actes, mais la structure par exemple un centre de santé. Pire avec leur grève, ils viennent de perdre le soutien des gens. Ils ont fermé leurs cabinets alors que c'est la catastrophe dans les hôpitaux. Ils auraient pu faire autrement avec des pétitions ou en rendant leurs consultations gratuites. Bref, une partie non négligeable de la profession relayée par leurs syndicats dits représentatifs est aujourd'hui coupée du réel sur le terrain.
Quid des mesures pour l'hôpital ?
Nous demandons un plan d'embauche et de formation de 100 000 personnes. C'est une revendication des syndicats, du Collectif inter-hôpitaux et du Collectif Inter-urgences pendant la dernière campagne présidentielle électorale. Concernant les écoles d'infirmières, le taux d'abandon des infirmières en formation est une catastrophe avec Parcoursup. Nous demandons l'arrêt de ce dispositif. Ensuite, nous devrions remettre en place un contrat d'étude (cela existait jusqu'à la fin des années quatre-vingt) qui permet de rémunérer les personnes en formation contre un engagement à exercer un certain nombre d'années. L'étudiant signe un contrat, il est pré-affecté sur un poste dans un territoire. Mais aucun budget supplémentaire n 'est attribué.
Je cite monsieur Macron : « Les plannings horaires seront organisés par les équipes elles-mêmes, sous couvert de leur cadre de santé, service par service. » C'est exactement la mesure qu'a prise Martin Hirsch à l'AP-HP qui a eu pour résultat la démission en masse des personnels. Le retour d'expérience de la réforme du temps de travail menée par le premier de la classe de la macronie est un échec retentissant. Quelle est la situation ? Les équipes à l'hôpital sont jeunes et souhaitent avoir une visibilité dans leurs plannings sur l'année, afin de mener leur vie familiale en lien avec leur vie professionnelle. Cela n'est plus le cas à l'Assistance publique où le cadre de santé donne le planning chaque mois. Conséquence, certains personnels font des journées de 12 heures, ce qui permet de faire des économies de 20 % à la direction des établissements. Mais avec de tels horaires, ces personnes s'épuisent beaucoup vite et finissent par partir. L'Association des médecins du travail a fortement critiqué cette tendance qui se généralise dans les autres hôpitaux.
Nous exigeons aussi une vraie revalorisation. Même ceux qui ont signé le Ségur disent que cela n'a rien réglé. À bac+5, les infirmières devraient avoir le même salaire que les personnes sortant des écoles de commerce au même niveau. Or les grilles des paramédicales sont bien inférieures. Résultat, 200 000 infirmières diplômées ont changé de métier. Il faut arrêter de fermer des lits, comme encore à Guingamp qui va arrêter en juin prochain sa maternité et sa chirurgie. On a créé une pénurie de personnels qu'on ne veut pas régler. Ce que nous vendent messieurs Macron et Braun, c'est de valider un fonctionnement dégradé du système de santé de plus en plus inégalitaire et qui va entraîner une surmortalité.
* médecin urgentiste CGT
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