C'est la partie immergée de l'iceberg : les « restes à charge invisibles » (RACI)*, découlant de l’ensemble des frais cachés et non remboursés liés à la santé, au handicap et à la perte d'autonomie.
L’association France Assos Santé s’est employée à évaluer ces coûts masqués, poste par poste, qui échappent aux bases de données officielles, incluant certains frais de transport, équipements et matériels médicaux, soins « de confort », socio-esthétiques et de médecine complémentaire, mais aussi les dépenses liées à l’activité physique, ainsi que l’accompagnement humain et les aménagements pour l'adaptation de l'environnement du malade. Résultat : souvent ignorées, toutes ces dépenses pèsent très lourd dans le portefeuille des ménages concernés, induisant un renoncement croissant aux soins.
1 623 euros par an pour les patients en ALD
Selon cette enquête nationale exclusive, menée entre le 12 septembre et le 14 octobre 2024, et qui a analysé les réponses de 3 100 personnes (vivant avec une maladie chronique, un handicap ou une perte d’autonomie sur les 12 derniers mois), ces coûts cachés s’élèvent en moyenne à 1 557 euros par an par personne, mais « jusqu’à 8 200 euros pour les 10 % qui déclarent le plus de frais liés à leur santé ».
Contrairement aux idées reçues, le reste à charge invisible grimpe encore pour les patients classés en ALD (69 % du panel, une surreprésentation logique puisque l’enquête ciblait les personnes malades, handicapées et en perte d’autonomie) puisqu’il atteint en moyenne 1 623 euros par an.
Parmi les profils de patients, les coûts cachés les plus élevés sont supportés par les personnes en situation de handicap moteur (2 535 euros par an) ou psychique (1 999 euros), suivis des patients souffrant de douleurs chroniques (1 972 euros) et des patients atteints de maladie auto-immune et rhumatologique (1 580 euros). Les patients atteints de cancer subissent un reste à charge invisible moyen de 1 447 euros par an, toujours selon cette enquête déclarative.
Aménager son environnement : une note salée pour les ménages
Au total, plus de 88 % des personnes interrogées dans cette enquête se sont déclarées concernées par ces frais de santé cachés. En nombre de déclarations, les restes à charge les plus fréquemment cités concernent les médecines complémentaires et la santé mentale (64 % des répondants) - volet qui inclut la consultation de professionnels tels que les psychologues, diététiciens, psychomotriciens ou ergothérapeutes - pour un montant évalué à 310 euros en moyenne. Plus de 54 % des participants mentionnent l’achat fréquent de petit matériel médical (aiguilles, piluliers, pansements, compresses, coussins ergonomiques, etc.) pour un coût annuel moyen de 87 euros.
Les dépenses pour l'alimentation et l'activité physique (256 euros par an) concernent un peu plus de la moitié des répondants, devant les frais de transport (138 euros, 48 % du panel) et les dépenses dites de confort (113 euros, 42 %), qui peuvent comprendre les crèmes et lotions non remboursées, les vernis à ongles, les prothèses capillaires non remboursées ou les séances d’épilation spécialisée.
Si les frais liés à l'adaptation de l'environnement de vie du patient concernent moins de 20 % des répondants, ils représentent en revanche le poste de dépense le plus lourd pour les malades concernés (324 euros par an). Ce poste inclut les aménagements du domicile (rampe, toilettes, douche, etc.), du véhicule (rampe d'accès, plateforme élévatrice, siège orthopédique, adaptation du volant ou des pédales) ainsi que d'autres systèmes d’adaptation, tels que les logiciels pour les personnes malvoyantes.
Davantage de renoncement aux soins
Au-delà des chiffres, l’enquête met en évidence la forte croissance récente de ces restes à charge invisibles. En 2019, le montant moyen de ces frais cachés s'élevait à 1 000 euros par an et par personne. En cinq ans, cette ardoise a donc bondi de 50 % environ, dénonce l'organisation de référence des patients, qui alerte sur les conséquences en matière de renoncement aux soins pour raisons financières (plus de la moitié du panel a déclaré avoir subi cette situation au cours des 12 derniers mois).
Approche préventive… et suppression du secteur 2
Alors que le gouvernement a annoncé une hausse du ticket modérateur de 5 % sur les médicaments et les consultations, France Assos Santé met en garde sur le risque d’accentuer encore ce phénomène du renoncement aux soins.
L'association exhorte les pouvoirs publics à agir. Elle préconise de miser sur une politique préventive « en agissant sur les produits nocifs pour la santé », responsables de maladies chroniques coûteuses. Côté professionnels, elle insiste sur la nécessité de combattre les actes inutiles et le gaspillage en renforçant le respect des bonnes pratiques et des recommandations. Sur le plan financier figure sans surprise la suppression du secteur 2 au profit du secteur 2 OPTAM (option de pratique tarifaire maîtrisée) « sous deux ans ».
Enfin, l'association suggère de créer des « financements forfaitaires innovants », couvrant l’ensemble des besoins des personnes malades, en situation de handicap ou en perte d'autonomie. « Cela pourrait prendre la forme de forfaits complémentaires au panier de soins général, en fonction de la situation médicale, pour prendre en compte des besoins non couverts source de restes à charge invisibles ».
À ces dépenses « cachées », s’ajoutent celles identifiées plus officiellement par les pouvoirs publics (dépassements d’honoraires, franchises, participations forfaitaires, forfait journalier). Un reste à charge visible évalué par l’enquête à 274 euros par an (et jusqu’à 800 euros pour les personnes en ALD)
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