Lustres au plafond, moulures sur les murs ornés d’or et salle comble : c’est dans le faste des salons du deuxième étage de l’hôtel de Crillon, à Paris, que l’ancien ministre de la Santé, Olivier Véran, s’est illustré le 28 novembre, autant par ses traits d’humour que par son analyse du système de santé. Le contexte ? Une table ronde, organisée par la société de gestion d’actifs immobiliers Praemia REIM, sur les opportunités du foncier dans la santé. Cette plateforme immobilière se targue de gérer 50 % de ses actifs dans ce secteur (soit 19 milliards d’euros) avec un portefeuille d’établissements médicaux, d’Ehpad ou de cliniques.
Le neurologue hospitalier grenoblois, plusieurs fois ministre entre 2020 et 2024 (Santé, Relations avec le parlement, Renouveau démocratique), ex-député et rapporteur du budget de la Sécurité sociale, s’exprimait ici en sa qualité de président d’Innov, sa nouvelle société de conseil et de lobbying.
« Rabotage ou cabotage »
Interrogé sur les mutations déterminantes du secteur de la santé dans les années à venir, Olivier Véran a volontiers joué au professeur, affirmant, « par ordre décroissant de probabilité », que le vieillissement de la population va s’accélérer, les maladies chroniques continuer de progresser, le numérique en santé se développer fortement (notamment avec l’intelligence artificielle), comme la médecine personnalisée, rendant obligatoires l’adaptation des acteurs et les réformes de santé.
Au passage, le Dr Véran a glissé un tacle appuyé aux politiques publiques en matière de santé. « C’est simple : chaque année, nous avons le choix entre le rabotage ou le cabotage ! », façon d’admettre que l’exécutif pilote la santé à courte vue, sans visibilité. Rires dans l’assemblée. Le neurologue a aussi épinglé, devant un public de financiers, le « bon vieux corporatisme médical en France » toujours à l’œuvre ou encore le « stop-and-go » des réformes, par exemple sur le numerus clausus, autrement dit une alternance de mesures de freinage et de relance.
Investissements à venir chez les seniors
Sur la thématique du jour, l’immobilier en santé, « davantage de place sera accordée au privé », s’avance l’ancien ministre, qui imagine que l’État se contentera demain de cadrer et piloter les normes sociales et environnementales. « Il y a de toute façon besoin d’investissement », à hauteur de 3 % de l’Ondam hospitalier, a-t-il estimé. Or, l’investissement public est – et sera – l’une des premières lignes budgétaires coupées dans un contexte de freinage indispensable des dépenses. Pour Olivier Véran, qui a songé lui-même à se reconvertir en médecine esthétique, des financements vont toutefois progressivement être fléchés vers les déserts médicaux.
De son côté, Arnaud Sergent, DG de la branche « Healthcare » du cabinet de conseil L.EK.Consulting, a mis l’accent sur les besoins du grand âge, avec une démographie qui va percuter l’ensemble du secteur. Le trop petit nombre de logements adaptés pour les seniors - environ 80 000 à l’heure actuelle - fait que « nous prévoyons la réouverture en nombre des maisons de retraite médicalisées », a-t-il indiqué, anticipant 130 000 personnes entrant dans la tranche des 75-84 ans d’ici à 2028-2029.
Besoin de lits
Côté établissements de santé aussi, il faudra construire, prédit Olivier Véran. « Nous aurons besoin de plus de lits », a-t-il lancé, alors que près de 4 900 lits d'hospitalisation complète (avec nuitée dans l'établissement), ont encore été supprimés en 2023 (et 43 500 lits en dix ans). Mais selon lui, le modèle de « grosse tour hospitalière » est démodé. L’heure est aux « structures pavillonnaires et autonomes, qui devront intégrer la domotique et le traitement des données de santé », notamment. Des opérations qui pourront aussi être financées soit par le privé, soit par des partenariats public/privé.
Intervenant également, Xavier Cheval, président de la branche santé de Praemia, a expliqué que l’une des tendances fortes était au rapprochement géographique des maisons médicales auprès des établissements, de manière que les médecins puissent y faire des diagnostics ou des consultations pré-chirurgicales. Ce dernier défendant au passage son modèle de centres ambulatoires « semblables à une piscine, où les patients mettent leur affaire dans un casier et arrivent debout au bloc opératoire ».
Olivier Véran, pour l’instant retiré de la vie publique, a égrené quelques idées plus politiques, parmi lesquelles le changement de statut d’administration publique en entreprise publique pour l’hôpital, citant les exemples de La Poste ou de la SNCF. En ce sens, les salariés pourraient y être « intéressés, mieux payés et plus heureux », a-t-il considéré, avant de partager un moment de convivialité dans l’un des grands salons de l’hôtel cinq étoiles.
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