Au début du mois d’avril, la commission des affaires sociales du Sénat a lancé un espace participatif sur son site pour prendre le pouls des professionnels de santé de ville dans la prise en charge du Covid-19 et recenser ses difficultés. Avec déjà près de 6 000 contributions reçues, l’enquête permet de tirer les premiers enseignements de cette crise du point de vue des médecins de ville notamment. Le président de la commission des affaires sociales, le généraliste et sénateur Les Républicains du Vaucluse Alain Milon décrypte ces remontées de terrain.
L’enquête montre une défiance importante des professionnels de ville sur la qualité de l’information et des recommandations délivrées par les autorités sanitaires. Comment l’expliquer ?
Alain Milon : Quand on veut créer la confiance, on essaie de donner des informations exactes. Or, depuis le début du confinement, celles données sur les masques, les différents moyens de protection, n’ont jamais été le reflet de la réalité du terrain, et ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui. Dans ces conditions, la confiance ne peut pas se mettre en place. J’ai encore eu le témoignage ce matin d’un professionnel de santé qui me disait avoir reçu des masques périmés. Un directeur d’hôpital me racontait aussi que des masques qu'il avait commandés étaient bloqués à Roissy parce qu’ils n’avaient pas la norme CE. Tout cela entraîne une forme de défiance. En dehors des équipements de protection, le grief principal qui ressort est celui de la suradministration qui régit la médecine libérale. L’absence de concordance entre les messages envoyés et le terrain entraîne la défiance, le trop d’administration qui bloque les initiatives privées également.
« Cette crise agit comme un révélateur des cloisonnements de notre système de santé avec une gestion d'abord très hospitalo‑centrée », avez-vous déclaré. C’est ce qui ressort de la consultation ?
A. M. : Au début de la crise, la gestion apparaissait trop hospitalo-centrée, cela s’est effacé. Sur le terrain, on voit notamment que les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ont permis d’organiser ce travail en commun. Les CPTS, les GHT là où ils existent et fonctionnent, ont démontré leur efficacité.
Sur la prise en charge en ville, quels sont les grands enseignements qui ressortent de cette gestion de crise et son organisation ?
A. M. : Lors de la crise du H1N1 en 2009-2010, il y avait une volonté exprimée de court-circuiter les médecins de ville. Ici cela n’a pas été le cas, mais dans la mesure où il a été demandé de fermer les cabinets, de se confiner… involontairement, la médecine de ville a malgré tout été court-circuitée au départ. Pour la suite, il faudra faire comprendre aux citoyens qu’il faut continuer à aller voir les médecins en se protégeant. Par ailleurs, il ne faut pas empêcher les médecins de soigner. Nous avons eu l’exemple avec l’hydroxychloroquine, la décision prise a été de dire : le traitement du Pr Raoult si nous voulons prouver qu’il est bon, il faut d’abord le réserver au milieu hospitalier. C’était la solution scientifique à mettre en place, mais je ne pense pas que c’était la bonne. Priver les généralistes de ce genre de traitement, alors qu’ils sont tout à fait compétents pour le prescrire et savoir s’il fonctionne ou pas, me semble être une privation de la possibilité de l’exercice du métier.
Les médecins consultés alertent également sur les conséquences sanitaires pour leurs patients hors Covid.
Pendant toute la crise du coronavirus, il y a eu une diminution considérable de l’activité des généralistes, et elle aura obligatoirement des conséquences sur la santé de ceux, malades, avec des pathologies chroniques, qui ne sont pas allés voir régulièrement leur médecin. C’est vrai pour toutes les pathologies mais plus particulièrement pour l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance respiratoire et les cancers. Pendant cette crise il y a eu une perte de chance pour ces patients-là, et il faut rapidement qu’ils retournent dans les cabinets médicaux. Il risque d’y avoir dans les jours qui viennent un encombrement des cabinets médicaux et donc une proximité des patients les uns avec les autres, qui n’est pas propice à un déconfinement réussi.
Dérives sectaires : une hausse préoccupante dans le secteur de la santé
Protection de l’enfance : Catherine Vautrin affiche ses ambitions pour une « nouvelle impulsion »
Dr Joëlle Belaïsch-Allart : « S’il faut respecter le non-désir d’enfant, le renoncement à la parentalité doit interpeller »
Visite médicale d’aptitude à la conduite : le permis à vie de nouveau sur la sellette