Attention, une hausse peut cacher une baisse. Les chiffres de l’assurance maladie pour l’année 2014 et le premier semestre 2015 traduisent une situation contrastée. Pour la première fois depuis 2011, les dépenses de médicaments remboursés ont augmenté de 3,8 %, soit un budget de 23 milliards d’euros pour la collectivité. Mais cette hausse est captée par une seule classe de produits, les nouveaux antiviraux d’action direct dans le traitement de l’hépatite C. En 2014, la progression pour cette pathologie s’élève à +206 %. Sovaldi® en 2014 a généré 334 millions d’euros de ventes entre 2013 et 2014 en rétrocession. Ses concurrents, proposés en rétrocession plus tardivement, ont engrangé 114 millions d’euros pour le Daklinza® et 61 millions d’euros pour Olysio®. La forte hausse des dépenses liée à la rétrocession hospitalière (+63,6 %) en témoigne. Pour les autres médicaments, la décrue se poursuit. Elle s’accélère même en 2014 avec une baisse de remboursement de médicaments délivrés en officine de -1 %. Elle n’était que de -0,3 % en 2013. Cette tendance se confirme au premier trimestre 2015 avec une croissance de 4,5 %. Mais elle s’explique encore par la montée en charge des traitements contre l’hépatite C. Elle ne devrait pas connaître la même ampleur sur l’ensemble de l’année selon l’assurance maladie.
Le grand retour de l’innovation
Bref, la situation est de plus en plus tendue entre les laboratoires qui disposent d’innovations de rupture et ceux dont le chiffre d’affaires se réduit année après année sous la pression des baisses tarifaires ou des génériques. Mais cette source d’économies récurrentes s’épuise. D’autant que le cycle de l’innovation est de retour. Outre l’hépatite C, la croissance des dépenses, même si elle n’est pas du même niveau, est observée dans le cancer, le VIH ou la sclérose en plaques. La dynamique observée dans l’hépatite C ne doit pas en effet masquer les innovations dans les autres pathologies. Alors que l’oncologie était encore en 2013 la première classe thérapeutique en termes de croissance des dépenses en 2013, elle chute en troisième position en 2014. Mais son rythme de croissance (+8,7 %, soit 162,3 millions d’euros) doit faire bien des envieux. Le cancer métastatique de la prostate a ainsi bénéficié de deux nouveaux traitements à fort potentiel, Xtandi®, (+49,6 % millions d’euros entre 2013 et 2014) et Zytiga® (29,7 millions d’euros entre 2013 et 2014). L’assurance maladie cite également l’Imnovid® dans le myélome (+20 millions d’euros) et Inlyta® en seconde ligne dans le cancer du rein (+19, 5 millions d’euros). Les anti-TNFα sont un autre relais de croissance pour l’industrie pharmaceutique. Les volumes remboursés augmentent de 10,1 % en 2014. Humira® conserve sa place de leader dans cette classe thérapeutique avec + 35,3 millions d’euros supplémentaires remboursés en 2014 par rapport à 2013. Simponi® mis sur le marché progresse rapidement avec une augmentation de +25,5 millions d’euros.
Conflit Roche/pouvoirs publics
La DMLA est au cœur d’un affrontement entre Roche et les pouvoirs publics autour de l’utilisation « non autorisée » par le laboratoire suisse de l’Avastin® dans cette indication. Pendant ce temps Eylea® grignote des parts de marché au leader Lucentis® Dans un phénomène de vases communicants, Eylea® enregistre la plus forte progression des dépenses en 2014 parmi les produits délivrés en officine avec 159,8 millions d’euros supplémentaires remboursés en plus par rapport à 2013. Dans le même temps, Lucentis® soumis à des baisses de prix significatives connaît la plus forte baisse des remboursements en 2014 (-28 %). Il se place toutefois à la quatrième place des dix premiers médicaments les plus prescrits en montants et délivrés en officine. Enfin, les dépenses liées aux médicaments diabétiques et à la sclérose en plaques sont aussi en hausse. Cette progression des ventes ne concerne pas l’ensemble de l’industrie pharmaceutique. Cinq classes thérapeutiques enregistrent une forte décroissance. Dans les traitements de l’hypertension artérielle, les dépenses reculent de -6,8 %. La baisse est encore plus significative dans la sous-classe des IEC-sartans avec une réduction de -8,4 %. Les hypolipémiants sont également « à la diète » avec une décroissance de -11,5 %. Cette régression s’explique là encore par les baisses tarifaires et l’initiation de la demande d’accord préalable à la prescription de rosuvastatine et d’ézétimibe seule ou associée. Pour les antidépresseurs, le recul s’explique d’abord par la perte de brevet concernant Séroplex®. En décembre 2014, le taux de substitution de l’escitalopram atteint 84 %. Et continue de progresser selon l’assurance maladie. Les prescripteurs n’ont pas attendu la médiatisation du rapport sur l’antibiorésistance pour réduire leur prescription. Les dépenses dans la classe des anti-infectieux ont diminué de 4,1 %, soit une économie de 38,7 millions d’euros pour les caisses de la Sécurité sociale. Enfin, la baisse des ventes (16,5 %) touche aussi les traitements contre la maladie d’Alzheimer.
Concentration des dépenses sur un nombre restreint de produits
Quel que soient les gagnants et les perdants, se dégage une tendance lourde. Les dépenses se concentrent année après année sur un nombre restreint de produits. La pression sur le prix du médicament devient, il est vrai, de plus en plus forte en France mais aussi à l’étranger et même aux États-Unis où le débat n’est plus tabou. À l’hôpital, les médicaments sous ATU constituent le premier poste de dépenses de médicaments. L’innovation, de plus, n’est pas prête de ralentir. Selon une étude d’EvaluatePharma citée par Les Échos, une croissance supérieure à 5 % est attendue dès 2016. Elle devrait s’accélérer dans les années suivantes pour atteindre 6 %. Comment dans ce cadre assurer la pérennité du système solidaire de prise en charge ? Les négociations en cours entre le Leem et le CEPS (Comité économique des produits de santé) revêtent donc une importance stratégique. Dans ce contexte, les données chiffrées constituent un élément de poids dans la négociation. Au-delà de la diffusion de ces chiffres, il n’est pas innocent que l’assurance maladie s’engage à davantage ouvrir ses données. Au lieu de se livrer à une analyse annuelle sur les dépenses de médicaments, le rythme adopté sera mensuel. Résultat, les chiffres auparavant confidentiels et disponibles seulement au sein des laboratoires seront versés au débat public. C’est le prix à payer pour une plus grande transparence…
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