Chaque année, les médecins canadiens passent collectivement 18,5 millions d’heures à faire « des tâches administratives superflues ». Ce constat est celui de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) qui, dans un nouveau rapport, dresse le bilan des premières mesures mises en place par les gouvernements provinciaux du Canada pour réduire ce « fardeau administratif », équivalent à la durée de 55,6 millions de consultations. Les résultats sont encourageants, « mais il reste encore beaucoup à faire pour atteindre notre objectif de libérer 10% de temps et 5,6 millions de consultations supplémentaires pour le pays », commente Alchad Alegbeh, analyste à la FCEI et coauteur du rapport.
Au Québec, un patient sourd peut changer d’appareil tous les deux ans. Il lui faut à chaque fois une prescription
Dr Kévin Girard, généraliste
Le Dr Kévin Girard est généraliste au Québec et président de l’Association des médecins omnipraticiens du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Chaque jour, il est confronté à diverses tâches en plus de ses consultations. « On a de multiples formulaires à compléter, majoritairement pour les assurances, mais il y a aussi les formulaires gouvernementaux, pour aider par exemple un patient en déficit d’autonomie à obtenir des subventions ou un crédit d’impôt. Ça, c’est neuf pages à remplir ! » Sa patientèle est âgée, ce genre de désagrément est légion. Autre exemple : les lettres d’adressage. « Si j’ai un patient qui a besoin de voir le neurochirurgien, il faut que je remplisse un autre formulaire », se désole le Dr Girard.
Le généraliste identifie plusieurs solutions : « Au Québec, un patient sourd peut changer d’appareil tous les deux ans. Il lui faut à chaque fois une prescription alors que si mon patient était sourd il y a quatre ans, il va l’être encore pendant des années ! » Ce temps perdu dans les papiers joue beaucoup sur la fatigue psychologique des médecins, estime le docteur québécois.
Adieu certificats à gogo
Comme en France, dégager du temps médical est l’un des enjeux de l’accès aux soins. Au Québec, il manque 1200 médecins généralistes pour les 8,5 millions d’habitants de la province. Les syndicats de médecins et le ministère de la Santé se sont donc retroussé les manches.
Au Canada, la province la plus avancée dans la recherche de solutions est la Nouvelle-Écosse, dans l’est du pays. Plus de 45 mesures anti-paperasse ont été déployées par le gouvernement élu en 2021. Fin 2023, les premiers résultats ont fait état de 200 000 heures gagnées par an pour les médecins néo-écossais.
« La plus grosse nouveauté concerne le certificat médical, explique le Dr Colin Audain, président de Doctors Nova Scotia, l’association professionnelle représentative. Désormais, sauf pour les maladies de longue durée ou une invalidité, les employeurs n’ont plus à demander un certificat quand leurs employés sont souffrants ». Une idée régulièrement agitée en France, sans réelle concrétisation.
En parallèle, un travail considérable a été accompli par les autorités pour éliminer les formulaires inutiles et rationaliser ceux qui restent nécessaires. Une partie de la tâche a été déléguée aux infirmiers et aux assistants médicaux. Les pharmaciens peuvent assurer une partie du travail traditionnellement effectué par les médecins, ce dont se réjouit le Dr Audain- contrairement à la plupart de ses confrères français.
Emulsion
Des idées naissent partout à travers le pays. Le président du collège des médecins de famille du Canada (CMFC), le Dr Mike Green s’en réjouit. Toujours dans une logique de rationalisation, « des provinces essayent de mettre en place un formulaire unique pour certains types d’examens, relate-t-il. En Ontario, nous avons un document-type pour les analyses de sang, mais pas encore pour les examens d’imagerie, qu’il s’agisse d’une radiographie ou d’un scanner ». Le travail du CMFC consiste à faire des suggestions au gouvernement fédéral pour que des mesures nationales émergent des initiatives locales. « Nous travaillons ainsi sur l’orientation centralisée pour n’avoir à inscrire qu’une seule fois une recommandation dans le système et qu’elle soit disponible partout au Canada », illustre par l’exemple le Dr Green.
Dernière piste étudiée de près par les autorités canadiennes pour aider les médecins à se recentrer sur le soin : utiliser l’intelligence artificielle pour remplir formulaires, documents administratifs et autres joyeusetés.
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