L'affaire soulève des questions de déontologie. Quelques jours après l'annonce de la gratuité de la contraception pour toutes jusqu'à 25 ans, un médecin normand a indiqué sur son compte Doctolib : « pour une demande de prescription de contraceptifs, merci de vous adresser à une autre personne ».
Ce généraliste installé à Sées (Orne) depuis le mois de juillet fait jouer sa clause de conscience, déclarant à Ouest France : « ma conscience repousse la contraception, j’ai tout à fait le droit de refuser d’en prescrire ». Est-ce pour autant exact ?
Selon l’article R.4127-47 du Code de la santé, « hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ces soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S’il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins. »
Un refus ne doit donc pas nuire à la continuité des soins ; c’est-à-dire que le médecin doit orienter vers un pair pour que la patiente puisse obtenir cette prescription. Ainsi le praticien normand a-t-il agi dans son bon droit ?
Pas hors la loi
Interrogé en début d'après-midi, le Dr François Clergeat, président du conseil de l’Ordre des médecins de Normandie, se réfère au Code de la santé (cité ci-dessus) pour dire qu’« a priori, la contraception n’est pas une prescription dans le domaine de l’urgence ». En revanche, poursuit-il, « la vraie problématique est que, dans une zone de sous-densité médicale, un généraliste refuse de pratiquer cet acte "commun", ne répondant ainsi pas à la demande de la population. »
En effet, le territoire du généraliste possède un médecin pour 1 800 patients – contre 800 à l’échelle nationale – se plaçant dans une moyenne très basse.
Un problème d'accès aux soins
En somme, le médecin concerné « ne se met pas hors la loi » mais, « si beaucoup faisaient comme lui et, a fortiori, dans des territoires où l’offre médicale n’est pas pléthorique, il y aura un problème d’accès aux soins ».
Puis, précise le président du conseil de l’Ordre des médecins de Normandie, ne souhaitant pas dépasser sa fonction, « dans la dynamique actuelle de la prise en charge des femmes sur la contraception notamment, il serait dangereux de revenir sur un certain nombre d’avancées. »
Dans ce genre d'affaire, Dr Clergeat rappelle la procédère suivie. « Le conseil régional de l’Ordre n’a à connaître les affaires uniquement lorsqu’un contentieux entre médecin et patient n’a pas trouvé de conciliation au niveau du département et qu’il y a une instruction de plainte. »
Quid de Doctolib ?
Une autre réflexion lui apparaît, au sujet de Doctolib. « Dès que les secrétariats sont remplacés par des plateformes d’accès qui autorisent à préciser sur son compte "si c’est pour cet acte, je ne le fais pas" et que l’Ordre ne s’en préoccupe pas, ça va poser des problèmes. Les plateformes qui proposent aux médecins de s’inscrire sur leur site vérifient-elles les restrictions posées par les médecins ? »
Contactée, la plateforme a répondu en fin de journée : « chez Doctolib, une équipe de modération s'assure de la légalité des informations présentes sur les profils des praticiens. Dans le cas cité, c'est le code de la Santé qui s'applique ».
Le Dr François Clergeat précise toutefois en conclusion de l’entretien que c'est la première fois qu'il entend parler de ce genre de pratiques, même s'il sait qu'elles existent, « elles restent marginales… et heureusement ! » D'ailleurs, l'inscription n'apparaît plus sur le profil Doctolib du médecin de l'Orne.
Un ancien rapport précise la philosophie du droit
Un rapport du Cnom datant du 16 décembre 2011 indiquait, dans sa conclusion, qu’« en synthèse, pour le médecin, la clause de conscience, c’est le droit de dire "non" dans certaines circonstances, à condition d’apporter au patient une réponse pertinente sans pour autant être obligé d’exposer ses convictions intimes et en l’informant "sans délai" des possibilités qui s’offrent à lui dans la requête qu’il a entrepris. »
Il se réfère notamment au Code pénal. « Effectivement, l’article 223-6 alinéa 2 du Code pénal sanctionne "l’omission de porter secours". Ce droit au refus de soins est assorti de devoirs complémentaires essentiellement centrés sur "une information claire, loyale et appropriée" (cf. art. R.4127-35 du code de la santé publique). Le médecin doit prendre toutes dispositions et précautions pour pouvoir apporter la preuve qu’il a bien rempli sa mission. Dossier, courrier, document daté et signé, consentement éclairé, attestation de consultation précisant les décisions adoptées… »
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes