Les nouveaux protocoles de coopération se multiplient

Soins non programmés : infirmiers, pharmaciens et kinés en renfort, mais jusqu'où ?

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Publié le 17/03/2020
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Angines, cystites, entorses, sutures, douleurs lombaires… Plusieurs protocoles de coopération interprofessionnelle concrétisent les  délégations de tâches à des non-médecins. Infirmiers, pharmaciens et kinés s'organisent au sein des structures pluri-professionnelles. Les médecins restent critiques.
Le kiné doit être formé pour prendre en charge l'entorse de la cheville

Le kiné doit être formé pour prendre en charge l'entorse de la cheville
Crédit photo : PHANIE

« Je me bats depuis plusieurs années pour que le kiné puisse avoir un accès direct sur un certain nombre de pathologies. Enfin, nos compétences sont reconnues ! », se réjouit Tristan Maréchal, masseur-kinésithérapeute à Auray, près de Vannes.

À l’instar des infirmiers et des pharmaciens, les kinés se retrouvent en première ligne dans plusieurs situations courantes, à la faveur des nouveaux protocoles de coopération interprofessionnelle publiés au « Journal officiel » début mars, en application de la loi de santé. 

De quoi parle-t-on ? Pour libérer du temps médical et favoriser la prise en charge rapide de soins non programmés, pharmaciens d'officine et infirmiers diplômés d'État vont pouvoir prendre en charge l'odynophagie, la pollakiurie/brûlure mictionnelle chez la femme de 16 à 65 ans, l'éruption cutanée vésiculeuse prurigineuse de l'enfant de 12 mois à 12 ans et renouveler le traitement de la rhino-conjonctivite allergique saisonnière pour les patients de 15 à 50 ans. L'infirmier est aussi autorisé à réaliser des sutures de plaies simples en lieu et place du médecin ; et le kiné peut assumer la prise en charge de l'entorse de la cheville et de la douleur lombaire aiguë inférieure à quatre semaines.

Plusieurs garde-fous sont prévus. Ces transferts ne peuvent s'opérer qu'entre des médecins et des professionnels délégués formés, faisant partie de la même équipe pluridisciplinaire, de la même maison de santé ou du même centre de santé et en partageant un logiciel commun labellisé.

Pour chaque pathologie, un modèle type est prévu avec une liste d'actes dérogatoires. Pour la pollakiurie/brûlure mictionnelle par exemple, le pharmacien ou l'infirmier peut effectuer une percussion des fosses lombaires, réaliser et interpréter une bandelette urinaire, établir un diagnostic et prescrire l'antibiotique via une ordonnance type, voire prescrire un ECBU en cas d'allergie à la fosfomycine et au pivmécillinam. Pour la douleur lombaire aiguë, le kiné consulté directement peut prescrire un arrêt de travail initial de 0 à 5 jours « selon l'âge, la condition physique, le temps et le mode de transport et le poste de travail ». Il peut aussi prescrire des antalgiques.

Habitude de bousculer leur organisation

Contrairement aux syndicats de médecins libéraux, très réservés sur ces délégations de tâches (encadré), les professions déléguées saluent généralement la publication de ces textes, gages de reconnaissance de leur expertise.

Pour Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), « il y a un mouvement de fond qui favorise l'exercice coordonné. Et les infirmiers ont l'habitude de bousculer leur organisation pour faire face à ces prises en charge ». Mais sur le terrain, l'infirmier de la maison de santé à Saint-Thégonnec (Finistère) s'interroge plutôt sur la volonté des médecins de déléguer une partie de leur champ clinique et sur la répartition des paiements au sein de l'équipe. « Il faudra un signal fort avec le partage le plus équitable possible de la rémunération », avance-t-il.

Certains pharmaciens sont dans les starting-blocks. C'est le cas de Brigitte Bouzige, titulaire dans une maison de santé aux Salles-du-Gardon (Gard) et vice-présidente de l'association AVECsanté (ex-Fédération française des maisons et pôles de santé). Sa pharmacie dispose d'un local de confidentialité, d'un logiciel commun pluriprofessionnel avec les autres membres de la MSP et d'un agenda partagé. « Mon équipe est déjà formée pour réaliser des tests rapides d'orientation rapide (TROD). Nous allons sans doute pouvoir mettre en place le protocole sur l'angine », annonce l'officinale, déterminée à se lancer.  

À l’inverse, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) estime que ces protocoles de coopération vont déjà trop loin. « Nous sommes opposés à la délégation de diagnostic avec examen clinique et la prescription d'arrêt de travail, explique son président Philippe Besset. Ce n'est pas notre travail et cela pourrait créer une guerre de tranchées avec les médecins, ce que nous ne souhaitons pas ». 

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin