Progression de la méthadone en ville ; délivrance accrue de la buprénorphine à action prolongée dans les centres d’addictologie, les hôpitaux et les prisons ; hausse des commandes de naloxone ; vieillissement des patients ; mais aussi persistance des difficultés d’accès aux substituts… L’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) publie ce 16 janvier un état des lieux de la prise en charge de la dépendance aux opioïdes.
En ville, le nombre de bénéficiaires d’un traitement par agonistes opioïdes (TAO), la nouvelle dénomination pour le traitement de substitution aux opioïdes (TSO), ne connaît « pas d’évolution notable par rapport aux années précédentes », lit-on dans le rapport. Les 155 762 personnes concernées en 2023 sont principalement des hommes (76,1 %). Cette population vieillit progressivement (+ 9,4 ans depuis 2011). La majorité est désormais âgée de plus de 45,7 ans.
Parmi les bénéficiaires, environ un tiers (30,3 %) était pris en charge pour une affection longue durée (ALD) en 2023 : 20,7 % en raison d’un trouble d’usage d’opioïdes, 29 % en lien avec d’autres troubles psychiatriques, 5,3 % pour une infection hépatite (C et B) et 3,4 % une infection par le VIH.
La méthadone progresse dans les prescriptions en ville
Les prescripteurs sont principalement des médecins généralistes (90,4 %), mais aussi les psychiatres (3,3 %). La part de la méthadone progresse dans les délivrances par rapport à la buprénorphine haut dosage (BHD), seule ou en association avec la naloxone, passant de 45,2 % en 2022 à 46,3 % en 2023. Il s’agit de la forme gélule dans 76,4 % des cas. « Les bénéficiaires de remboursements de méthadone sont plus jeunes que ceux bénéficiant de remboursements de BHD (43,8 ans versus 47,2 ans) », est-il relevé.
Dans les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa), les initiations de méthadone sont près de trois fois plus importantes que les initiations de BHD et 36 000 usagers sont traités par méthadone contre 14 500 par BHD (données de 2019). En prison, la part des détenus traités par TAO est estimée à 6,7 %. Là aussi, la méthadone progresse parmi les prescriptions pour atteindre 52,9 % en 2022.
En parallèle, la buprénorphine à action prolongée (BAP) est de plus en plus disponible dans les Csapa, hôpitaux et prisons, et notamment le Buvidal, dont la prescription et l’administration sont à ce jour réservées aux seuls médecins exerçant dans l’un de ces établissements. En 2023, 600 patients, dont 150 détenus, en ont bénéficié, soit une « nette augmentation depuis 2021 », est-il relevé.
Entre les prises en charge en ville, en Csapa et en milieu pénitentiaire, le nombre de patients traités par TAO est estimé à 177 000 personnes en 2019, soit 87 % de l’ensemble de la population avec un usage problématique des opioïdes (202 485 personnes en 2019), estime l’OFDT. Ce taux place la France parmi les dix pays européens avec une couverture supérieure à 50 %, est-il souligné.
Des territoires en manque de structures adaptées
Cette couverture élevée masque des difficultés persistantes d’accès aux TAO pour de « nombreux usagers » injecteurs d’opioïdes. En cause ? Des territoires « dépourvus de dispositif à visée de réduction des risques (sans exiger l’abstinence de l’usager, sans protocole contraignant, etc.) » ; « des centres de soins saturés » ; des régions manquant de généralistes acceptant de suivre des patients sous TAO, ce qui complexifie l’orientation des centres d’addictologie vers la médecine de ville et « génère parfois des ruptures de prescriptions, voire des sevrages forcés », est-il listé. Ce contexte pousse certains usagers à « poursuivre l’acquisition d’héroïne ou de TAO hors protocole thérapeutique, sur les marchés de rue ou auprès de leurs connaissances ».
Par ailleurs, en 2022, les 300 décès liés aux TAO (seuls ou en association), souvent en rapport avec « des situations de mésusage », comptent pour près de la moitié (47,4 %) des décès toutes substances psychoactives confondues, selon l’enquête de pharmacodépendance et d’addictovigilance Drames de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Concernant la naloxone, pour laquelle trois spécialités sont disponibles (le kit intramusculaire Prenoxad depuis juin 2019 et ceux par voie nasale Nyxoid depuis septembre 2021 et Ventizolve depuis octobre 2023), les commandes ont augmenté de près de 40 % entre 2021 et 2023. « Depuis la mise à disposition de la spécialité Nyxoid, les commandes ont doublé », est-il souligné.
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