« Le traitement pénal réservé aux consommateurs de stupéfiants [...] se révèle de plus en plus rapide et de plus en plus centré sur des sanctions financières au détriment des mesures à caractère sanitaire », constatent Ivana Obradovic, Caroline Protais et Olivier Le Nezet, tous les trois membres de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) dans un numéro de « Tendances ».
La France est l'un des pays européens disposant d’une législation parmi les plus sévères, ce qui s'illustre aisément par quelques chiffres : entre 2016 et 2020, 180 000 personnes par an en moyenne sont mises en cause par les services de police et de gendarmerie pour une infraction à la législation sur les stupéfiants. Dans leur grande majorité, il s'agit de consommateurs avec 130 000 interpellations en 2020, un chiffre qui a presque doublé en 20 ans. Seulement 9 % des interpellations ont pour motif le trafic de drogues.
Les jeunes consommateurs de cannabis particulièrement ciblés
Le cannabis est prédominant dans les motifs d'interpellation, ce qui reflète la progression de la consommation en population générale : 90 % des procédures pour usage en 2010 contre 40 % en 1985. Par ailleurs, il y a une surreprésentation des hommes jeunes parmi les personnes interpellées.
En France, l’usage de stupéfiants est interdit, sans distinction de produit depuis la loi du 31 décembre 1970 qui place l’usager « sous la surveillance de l’autorité sanitaire » et lui permet d’éviter les poursuites pénales s’il accepte les soins. Cette possibilité est aujourd'hui largement écartée par le caractère désormais quasi systématique des sanctions pénales.
Dans le premier texte de loi, un Français condamné pour usage de stupéfiant encourt une peine qui peut aller jusqu’à 3 750 euros d’amende et un an d’emprisonnement. Selon les données recueillies par les statisticiens de l'OFDT, les alternatives aux poursuites pénales (aussi appelées « troisième voie »), comme les stages de sensibilisation, sont de plus en plus mobilisées, notamment afin de désengorger les tribunaux. Dernier dispositif en date : l'instauration en 2020 de la controversée amende forfaitaire de 200 euros pour usage de cannabis, qui permet aux policiers de verbaliser directement un usager.
Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, 27 300 verbalisations ont été effectuées depuis les quatre mois d'existence de l'amende forfaitaire, mais avec de fortes disparités régionales puisque les départements de la Seine-Saint-Denis (134 contraventions pour 100 000 habitants) et des Bouches-du-Rhône (134/100 000) ont plus du triple de contraventions que la moyenne nationale (41/100 000 habitants).
Une repénalisation
Cette montée en charge des réponses pénales rapides, qui ne nécessitent pas l'avis d'un tribunal ni même du parquet, s'est doublée, depuis 2008, d'un regain des poursuites à l’encontre des usagers de stupéfiants. Le phénomène s’est encore amplifié depuis 2014. « Cette montée en charge des poursuites judiciaires à l’encontre des usagers de stupéfiants peut être interprétée comme l’indice d’une application plus ferme de la législation héritée des années 1970 et d’une “repénalisation” de la réponse à l’usage de stupéfiants », analyse les auteurs, qui y voient aussi un recours accru aux procédures d’ordonnance pénale délictuelle (OPD).
Dans le même temps, les sanctions à caractère sanitaire déclinaient jusqu'à ne représenter aujourd'hui que 7 % des alternatives prescrites pour sanctionner un délit d’usage. « Le niveau le plus bas jamais enregistré », affirme les auteurs de l'OFDT qui constatent « la quasi-disparition des injonctions thérapeutiques ».
Pour l'OFDT, ces évolutions sont en contradiction avec l’esprit de la loi de 1970, qui envisageait l’usager de stupéfiants à la fois comme un délinquant et un malade nécessitant éventuellement des soins. « L'effacement des mesures à caractère sanitaire observé depuis les années 2010 interroge sur la capacité du système judiciaire à orienter les usagers de stupéfiants vers les dispositifs de prise en charge existants, notamment les centres jeunes consommateurs », concluent les auteurs.
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