Drogues en Europe

La polyconsommation devient la norme

Publié le 17/11/2011
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Crédit photo : AFP

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Crédit photo : PHANIE

« LE MARCHÉ de la drogue est en évolution de plus en plus rapide », toujours « prompt à s’adapter aux menaces et aux opportunités », constate Wolfgang Götz, directeur de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies. Dans son rapport 2011, l’OEDT voit dans l’émergence rapide de nouvelles substances psychoactives non contrôlées (euphorisants légaux), « un défi croissant tant en Europe qu’à l’échelle internationale ». L’observatoire a recensé pas moins de 600 sites Internet proposant ces euphorisants légaux.

Le rapport constate également une « une interaction croissante entre les marchés des euphorisants légaux et des substances illicites ». Ainsi, des substances psychoactives non contrôlées (notamment des mélanges de cathinones, de pipérazines ou de phénéthylamines) peuvent être produites sous la forme de comprimés comme l’ecstasy et vendues sur les marchés illicites. Le système européen d’alerte précoce (EWS) a identifié depuis le début de l’année 39 substances nouvelles (contre 41 en 2009). Plus de 150 substances sont désormais surveillées par l’EWS.

« Les fournisseurs d’euphorisants légaux gardent toujours une longueur d’avance sur les contrôles en proposant rapidement de nouvelles alternatives lorsqu’une substance est interdite ». Et ce jeu du chat et de la souris se déroule aussi dans le domaine des précurseurs (produits chimiques entrant dans la fabrication des drogues illicites), constate l’OEDT. Ceci explique notamment le regain de la teneur de MDMA dans les comprimés d’ecstasy, grâce au recours des fabricants à ces nouveaux précurseurs (safrole, PMK-glycidate, alpha-phénylacétoacétonitrile...). De même, sur le marché des amphétamines, des précurseurs peuvent être chimiquement masqués pour contourner les mécanismes de contrôle. Près de 2,5 millions d’Européens ont consommé de l’ecstasy au cours des 12 derniers mois et près de 2 millions ont pris des amphétamines durant la même période.

« Actuellement en Europe, 5 % environ de toutes les personnes admises en traitement (20 000 patients) déclarent comme drogue principale un opiacé autre que l’héroïne », note l’OEDT. Dans certains pays européens, les opiacés de synthèse commencent à supplanter l’héroïne sur le marché. Ainsi, en Estonie, trois quarts des personnes admises en traitement citent aujourd’hui comme drogue principale le fentanyl, opiacé de synthèse beaucoup plus puissant que l’héroïne et davantage associé aux surdoses.

Au total, plus de 1,3 million de consommateurs réguliers d’opiacés sont recensés dans les pays de l’Union européenne et en Norvège. En outre, plus de 7 600 surdoses mortelles ont été signalées dans l’UE et en Norvège en 2009, impliquant pour la plupart les opiacés. « Malgré une hausse spectaculaire de la disponibilité des traitements au fil des ans, le nombre d’usagers succombant à une surdose en Europe est resté stable », constate l’observatoire. De plus, ces décès par surdose pourraient n’être que « la partie émergée de l’iceberg ». Entre 10 000 et 20 000 usagers d’opiacés à problème pourraient ainsi décéder chaque année en Europe, « principalement de surdose mais aussi d’autres causes (maladies, suicide, traumatismes…) ».

Approche globale.

S’agissant de la cocaïne, 4 millions d’Européens ont consommé de ce produit au cours des douze derniers mois. Dans son rapport, l’OEDT entrevoit une baisse de popularité de la cocaïne sur le vieux continent. Parmi les cinq pays enregistrant les niveaux de consommation les plus élevés, le Danemark, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni déclarent un recul de consommation de cette drogue chez les jeunes adultes de 15 à 34 ans. Outre une prise de reconnaissance croissante des problèmes liés au produit, « l’impact financier d’une consommation régulière de cocaïne peut diminuer l’attrait de cette substance (vendue entre 50 et 80 euros le gramme) dans les pays où l’austérité est à l’ordre du jour », commente l’OEDT.

Avec quelque 22,5 millions de consommateurs, le cannabis reste la substance illicite la plus populaire en Europe. Néanmoins, la tendance générale à la baisse ou à la stabilisation de la consommation chez les jeunes adultes se confirme. « Il se peut que la baisse de la consommation de tabac (dans certains pays) exerce une influence sur les tendances de l’usage de cannabis en Europe, où ces substances sont généralement consommées ensemble », suggère l’OEDT. Une chose semble entendue, il n’existe pas de lien entre les modifications législatives récentes en matière de drogue et les niveaux de consommation de cannabis, relève le rapport.

D’une manière générale, l’OEDT constate que la polyconsommation de drogues licites et illicites est devenue le mode de consommation dominant en Europe. « Un cadre politique global sur la consommation de substance psychoactives fait toujours défaut dans la plupart des États membres ». Or,faute « d’une telle approche élargie, les résultats obtenus pour une drogue peuvent entraîner le déplacement de la consommation vers d’autres produits », note l’Observatoire.

 DAVID BILHAUT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9043