Faut-il avoir recours à des incitations financières pour favoriser le sevrage tabagique chez les femmes enceintes ? « Bien sûr que cela peut paraître un peu choquant au départ. Mais c’est une option qui a fait la preuve de son intérêt en Grande-Bretagne. Et nous n’avons pas tellement d’armes vraiment efficaces à notre disposition pour faire baisser le tabagisme chez les femmes enceintes. Ce qui est pourtant un vrai enjeu de santé publique », explique la Dr Christine Denis-Vatant, tabacologue au CHU de Saint-Étienne.
Une vaste étude nationale menée dans 15 autres CHU
Comme 15 autres CHU en France, cet établissement participe à une vaste étude lancée en avril 2016 à l’initiative du Pr Yvan Berlin, tabacologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Un essai financé par l’Institut national du cancer. « Tout est parti d’une précédente étude menée par le Pr Berlin qui avait montré que les substituts nicotiniques ne semblaient pas efficaces chez les femmes enceintes, parce que beaucoup d’entre elles, notamment celles en situation précaire, avaient du mal à s’inscrire dans une stratégie durable d’arrêt du tabac. Il y avait un nombre important de « perdues de vue », des femmes qui ne venaient plus en consultation », explique la Dr Denis-Vatant.
Le Pr Berlin a donc eu l’idée de monter un protocole prévoyant la mise en place d’incitations financières pour aider les femmes enceintes à arrêter de fumer. « L’étude s’adresse à des femmes très dépendantes à la nicotine. Le suivi s’inscrit sur 5 mois avec une consultation mensuelle. À chacune de des consultations, toutes les participantes touchent un bon d’achat de 20 euros. Soit un total de 100 euros pour la durée de l’étude. Mais il y a aussi une randomisation. La moitié des femmes touchent seulement ces 100 euros, l’autre moitié bénéficie d’une récompense supplémentaire si elles arrivent à arrêter de fumer pendant au moins 7 jours d’affilée », indique la Dr Denis-Vatant, en précisant que ce complément financier pour les femmes du deuxième groupe peut atteindre un montant maximal de 360 euros.
Un bénéfice majeur pour la mère et l'enfant
Pour s’assurer que les femmes s’arrêtent bien de fumer, des contrôles urinaires et un dosage du monoxyde de carbone dans l’air expiré sont réalisés durant l’étude. « Le principe de l’incitation financière a un côté dérangeant, c’est vrai. Mais il faut tenir compte des économies pour le système de santé en permettant à ces femmes de s’arrêter de fumer. Et pour la santé de la femme et de l’enfant à naître, le bénéfice est majeur. Avant de lancer cette étude, le Pr Berlin a fait réaliser une enquête d’opinion qui a montré que les Français ne s’opposaient pas à une approche de ce type », indique la Dr Denis-Vatant.
Pour elle, cette étude est aussi un moyen de sensibiliser les professionnels de la naissance (obstétriciens, sages-femmes) à l’importance d’adresser les femmes enceintes fumeuses vers les consultations de tabacologie. « Car nous voyons encore trop peu de ces femmes alors qu’il existe pourtant des solutions de sevrage pour elles ».
D’après un entretien avec la Dr Christine Denis-Vatant, tabacologue au CHU de Saint-Étienne
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024