« L’HISTOIRE de la guerre contre la drogue nous a appris ces dernières années que des politiques inappropriées sont responsables d’expansion d’épidémies » comme le VIH et le VHC, souligne le Pr Michel Kazatchkine, envoyé spécial du secrétaire général des nations unies pour le VIH/sida en Europe orientale et Asie centrale, par ailleurs membre de la Commission globale de politique en matière de drogues. Rassemblant une vingtaine de d’actuels et d’anciens décideurs internationaux de renom, cette instance vient de publier la version française d’un rapport dévoilé en mai dernier sur « l’épidémie cachée d’hépatite C ». Faisant suite à un précédent volet de 2012 consacré au VIH/sida, ce très synthétique document apporte une nouvelle illustration de « l’impact négatif de la guerre contre la drogue » sur la santé publique. L’idée directrice mise en avant par la Commission globale depuis sa création en 2009 reste la même : partout, les politiques répressives en matière de drogues poussent les usagers les plus précaires à la marginalisation, augmentant ainsi les risques de transmission de virus tels que le VIH et VHC tout en parasitant l’accès aux services de santé pour ces personnes. À ce jour dans le monde, 10 des 16 millions d’individus qui s’injectent des drogues auraient contracté le virus de l’hépatite C. Et dans les pays les plus répressifs comme la Thaïlande ou de certaines régions de Russie, les taux de prévalence dépassent les 90 %, indique le dernier rapport de la Commission globale.
Face au constat d’échec des politiques à dominante répressive à l’encontre des usagers de drogues, le temps d’une réforme en profondeur semble aujourd’hui arrivé, veut croire le Pr Kazatchkine. Venu débattre à Paris le 22 octobre dernier au siège de Médecins du Monde avec des membres d’associations françaises engagées dans la réduction des risques liés aux drogues, l’envoyé spécial de Ban Ki-Moon considère qu’il n’y a désormais plus de temps à perdre alors que se profilent deux rendez-vous internationaux importants : la session de 2014 de la Commission des stupéfiants à Vienne et surtout la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies sur le problème mondial de la drogue à New York en 2016. Pour Michel Kazatchkine, ces deux sommets onusiens constituent « une chance, une opportunité, sinon de modifier les conventions internationales sur les stupéfiants mais tout du moins de changer les paradigmes et les faire évoluer ».
Nouveaux indicateurs.
Depuis son très médiatique rapport de 2011 sur la « guerre aux drogues », la Commission globale n’a de cesse de réclamer la mise en place d’une nouvelle évaluation de l’efficacité des politiques en matière de stupéfiants avec des indicateurs ayant du sens pour les communautés affectées, « comme par exemple, le taux de transmission du VIH et l’hépatite C, une baisse de la mortalité, un accès accru aux services, une réduction de la violence liée aux marchés de la drogue, une diminution des violations des droits de l’homme et des incarcérations liées aux drogues ». Or, actuellement, dans la plupart des pays du globe, « l’efficacité des politiques antidrogues se mesure d’abord par le nombre de saisies, où les chiffres peuvent donner le vertige mais ne représentent finalement que des quantités microscopiques au regard du volume de produits en circulation », déplore le Pr Kazatchkine. En perspective de Vienne 2014 et New York 2016, la Commission globale entend accentuer sa « soft diplomacy » dans les couloirs des institutions internationales dans le but de mobiliser un « noyau de pays européens » en faveur de ce changement de cap de politique des drogues.
Abroger la loi de 1970.
En France, certains aspects du plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013-2017 vont dans ce sens, en exhortant par exemple société et politiques à changer de regard sur les consommateurs de produits stupéfiants, « sans complaisance, mais avec compréhension ». Seule condition pour parvenir à « développer des stratégies préventives et thérapeutiques adaptées », peut-on lire dans le plan présenté par la MILDT en septembre dernier. Pour certaines associations militantes, il faut toutefois aller (beaucoup) plus loin. Dans une tribune publiée le 22 octobre dernier dans le quotidien Libération, Jean-Pierre Lhomme (président de Gaia Paris), Bruno Spire (président d’Aides), Marie Debrus (présidente de l’Association française de réduction des risques), Olivier Maguet (administrateur de Médecins du monde) et Fabrice Olivet (directeur d’ASUD) appellent à « créer une commission française des drogues dont l’objectif sera de porter le débat sur le nécessaire changement de politique » qui passe selon eux par « l’abrogation de la loi de 1970 et la définition d’un nouveau cadre légal autorisant et encadrant la consommation de produits classés aujourd’hui comme stupéfiants ».
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024