Un livre blanc des addictologues

Pour un nouveau plan et une nouvelle loi

Publié le 10/06/2011
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Crédit photo : AFP

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Crédit photo : S. TOUBON/LE QUOTIDIEN

« LES CONSOMMATIONS de produits psychoactifs et les pratiques liées à des recherches de satisfactions sont intrasèques à l’existence humaine. Il est donc illusoire voire dangereux de vouloir les faire disparaître », considère la FFA dans son livre blanc présenté jeudi lors des 5es journées de l’Albatros, congrès international d’addictologie. « C’est le réalisme qui est la clé d’une politique efficace pour les personnes et la société », poursuit la fédération, qui propose 100 mesures réparties en 6 priorités et 20 objectifs pour « réduire » les dommages causés par les addictions dans l’Hexagone.

La FFA soutient l’idée d’une loi addictions « centrée sur les consommations problématiques et pathologiques », « déclinée et adaptée selon les produits et les comportements addictifs ». Selon elle, cette législation devrait notamment supprimer « l’incrimination de l’usage privé de stupéfiants » et substituer à l’obsolète loi du 31 décembre 1970 sur les stupéfiants « un dispositif législatif plus cohérent avec l’objectif prioritaire de réduire les dommages » liés aux drogues. Au préalable, la FFA réclame « une évaluation menée par une autorité scientifique indiscutable des effets sur les consommations et les dommages des différentes politiques publiques menées dans le monde », ainsi qu’un « véritable » débat public « dépassant les cercles d’experts ou des commissions parlementaires ». Pour le Pr Michel Reynaud, coordonnateur du livre blanc de la FFA, « il est important de décriminaliser les usages de drogues qui entravent l’accès aux soins tout en mettant en place des politiques qui évaluent les bénéfices et les risques individuels et sociaux » liés à l’usage de ces produits.

La FFA appelle également à un nouveau plan Addictions (2012-2017) qui puisse relayer immédiatement le plan 2007-2011, aujourd’hui refondu dans le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies (2008-2011). « Le plan arrive à son échéance et, déjà, on déplore une baisse des financements et un intérêt très amoindri des pouvoirs publics pour les dimensions préventives et curatives », constate la FFA. « Un deuxième plan apparaît vital, sinon on repartira vers une vision stigmatisée et peu médicalisée des addictions », prévient le Pr Reynaud, qui dresse malgré tout un bilan mitigé du plan 2007-2011.

Sous-financement.

Mitigé, le bilan de ce plan l’est surtout au niveau de son financement. « Il devait y avoir 50 millions d’euros de financement annuels. Au final, 10 millions ont été attribués chaque année », indique le Pr Reynaud. « Non seulement cet effort est très en dessous de ce qui était initialement annoncé, mais il s’achève à la fin de l’année », poursuit-il. Or, beaucoup reste à faire pour structurer la prise en charge des addictions sur notre territoire. À l’hôpital, « ce plan a permis de développer les équipes de liaison et de consultation » et a presque atteint les objectifs s’agissant des unités de soins complexes, note le Pr Reynaud.

En dépit de progrès importants, l’addictologie hospitalière n’est encore que partiellement restructurée, souligne le livre blanc. Si l’addictologie médico-sociale est en voie de restructuration autour de « véritables centres de ressources », la couverture territoriale reste insuffisante. « D’autres points tout à fait importants n’ont pas été traités dans l’actuel plan, comme la prise en charge des addictions dans les services de psychiatrie, le repérage précoce des addictions ou le développement de la prise en charge des adolescents et des femmes enceintes », relève le Pr Reynaud.

Concernant l’addictologie de premier recours en médecine générale, « la qualité des réponses est très hétérogène, variant d’une forte implication d’une minorité de médecins généralistes devenus spécialistes implicites en addictologie, jusqu’à des refus catégoriques de prise en charge », décrit le livre blanc. La formation en matière d’addictions demeure aussi « très hétérogène » et n’est « pas au niveau des besoins ». Quant à la recherche clinique et thérapeutique, elle reste « gravement insuffisante ». Si la recherche fondamentale a connu un « bon développement », elle s’effectue aujourd’hui « essentiellement dans des unités non spécifiquement dédiées aux addictions ». Enfin, les recherches sur les addictions en sciences humaines demeurent « insuffisamment développées et peu visibles », constate le livre blanc.

DAVID BILHAUT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8980