ADOPTÉ par le Comité interministériel de lutte contre la drogue et la toxicomanie et de la prévention des dépendances, le plan 2013-2017 entend s’inscrire dans la durée et définir les priorités stratégiques de la France dans ce domaine et pour les quatre prochaines années. Le premier ministre Jean-Marc Ayrault, entouré de l’ensemble des ministres concernés - Santé, Intérieur et Justice -, a validé cette nouvelle feuille de route, fruit d’une large concertation. « Saluons d’abord la méthode. À l’inverse du dernier plan et de son ancien président (NDLR Étienne Apaire) sourd à toute avancée sur la réduction des risques, la consultation a été large, les associations du secteur ont eu leur mot à dire, et un certain nombre de leurs revendications ont été satisfaites », a par exemple déclaré le réseau français de réduction des risques.
Réduction des risques.
Le réseau est sensible à l’une des évolutions importantes du plan : le renforcement du dispositif de réduction des risques actuel et l’élargissement des interventions à toutes les substances y compris l’alcool, le tabac, le cannabis et les polyconsommations. Le plan prévoit par exemple une meilleure accessibilité aux traitements de substitution en accordant une place à l’expérimentation de nouvelles modalités thérapeutiques comme la primo-prescription de méthadone en médecine de ville pour éviter le mésusage et favoriser une prise en charge adaptée, ou encore en reconnaissant l’apport des dispositifs mobiles comme le bus méthadone. L’expérimentation des salles de consommation à moindre risque est approuvée même si l’ouverture de la première salle à Paris dans les suites de l’annonce du plan a été retardée.
Amélioration des traitements.
Fonder l’action publique sur l’observation, la recherche et l’évaluation est l’une des priorités affichées du plan. L’effort de recherche ne vise pas seulement la seule compréhension des conduites addictives, « il doit aussi porter sur l’amélioration de leur prise en charge au moyen de nouveaux traitements médicamenteux et de stratégies thérapeutiques innovantes ». Dans ce cadre-là, s’inscrivent la recherche de nouvelles formes galéniques permettant l’inhalation ou le passage transdermique (patch) pour la substitution aux opiacées, les nouveaux traitements de la dépendance à l’alcool dont le baclofène ou la cigarette électronique contre les comportements addictifs au tabac. Dans l’attente d’une définition de son statut à l’échelle européenne, la ministre des affaires sociales et de la santé a décidé l’extension à la cigarette électronique de deux mesures aujourd’hui appliquées au tabac (interdiction de vente aux mineurs, interdiction de la publicité) et a demandé au Conseil d’État une étude juridique sur la possibilité d’une interdiction de son usage dans les lieux publics.
Les jeunes et les femmes.
La prévention, le repérage précoce et l’accompagnement dessinent aussi les nouvelles orientations voulues dans ce plan. En particulier, l’accent est mis sur les actions à destination des jeunes mais aussi de leurs familles, des femmes et des plus vulnérables. Parmi les pistes avancées, les consultations jeunes consommateurs (CJC), au nombre de 400 en France, devraient être valorisées. Les dispositifs de soins spécialisés : Centres d’accompagnement, de soins et de prévention en addictologie (CSAPA) et Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD) voient leur mission préventive reconnue ou renforcée.
Une plus grande place est accordée aux actions qui visent à aller à la rencontre des usagers problématiques : interventions en milieu festif, dans les écoles, les lycées, les centres de formation, les foyers de jeunes travailleurs mais aussi développement des équipes hospitalières de liaison et de soins en addictologie et leurs équipes mobiles en particulier en psychiatrie.
Formation des médecins.
D’une manière générale, le plan prévoit de mobiliser et de renforcer les compétences des professionnels du soin de premier recours : médecins généralistes mais aussi pharmaciens volontaires. Une réflexion est menée pour étendre les interventions brèves et l’entretien motivationnel, utilisés à ce jour pour l’alcool, à toutes les substances. Cette méthode d’intervention devra être intégrée dans la formation des professionnels de santé. Les modalités d’inscription de la prise en charge des addictions parmi les missions des maisons de santé pluridisciplinaires devront être étudiées dans le cadre de la stratégie nationale de santé, ce qui permettrait de dynamiser l’implication des médecins généralistes dans l’accès aux soins des personnes présentant des conduites addictives.
Maintien de l’approche pénale.
« La stratégie du gouvernement ne peut pas se résumer à un catalogue d’actions orientées, tantôt vers la réponse sanitaire tantôt vers la réponse pénale », a indiqué la présidente de la MILDT. Mais en dépit de volonté assurée de dépassionner le débat en s’appuyant sur les pratiques et l’expérience des professionnels de terrain comme sur les données des sciences humaines et des neurosciences, les principales critiques tiennent au maintien d’une approche pénale des addictions. Les associations regrettent que le grand virage en faveur du sanitaire n’ait pas eu lieu. Des mesures comme l’échange de seringues en prison ou les programmes de substitution injectable et d’héroïne médicalisée n’ont pas été retenues. En outre, si la lutte contre la délinquance résultant de la prise de stupéfiants ou de la consommation d’alcool (violences intrafamiliales et violences routières) figure bien dans le plan, « l’alcool restera à la place qui est la sienne, une des premières, les soignants étant, de fait, plus invités à améliorer les traitements et à accompagner l’usage qu’à éviter l’entrée dans la pratique addictive », regrette la fédération addiction. Le principe d’une taxation au prorata du degré d’alcool comme l’avait défendu devant les députés le Pr Michel Reynaud, auteur du rapport préparatoire sur les addictions, a bien été abandonné.
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