Consommation de drogue supervisée

Un projet de salle parisienne sur les rails

Publié le 11/10/2012
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FIN AOÛT, LA MINISTRE de la Santé, Marisol Touraine avait pris position en faveur de l’expérimentation de salles de consommation de drogues supervisées auparavant soutenues par François Hollande. « Je pense que nous serons prêts assez rapidement », assurait-elle alors. « On attend vraiment un feu vert ou au moins un feu orange de la part du gouvernement pour pouvoir mettre en œuvre notre projet », déclare le Dr Élisabeth Avril, en charge d’un projet de salle de consommation à moindre risque à visée éducative dans Paris développé par les associations GAIA et Médecins du monde. « Nous avons des rendez-vous avec des structures techniques et des politiques. On rencontre beaucoup de monde mais on n’a pas forcément de réponses immédiates et solides », confie-t-on au sein de l’association GAIA qui gère par ailleurs sur Paris un Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) et un Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD). Pour le Dr Jean-François Corty, responsable des opérations France à Médecins du monde, il n’y a pas de temps à perdre. « Aujourd’hui, plusieurs villes comme Paris, Marseille et Bordeaux aux tendances politiques différentes sont prêtes à s’investir sur la question des salles de consommation. On a la possibilité de justifier un débat qui va au-delà des partis, au-delà de certaines postures idéologiques. Il y a une fenêtre de tir à saisir d’ici à l’été 2013 où doivent commencer les campagnes pour les élections municipales. Après, le sujet risque d’être plus compliqué à défendre dans un contexte électoral », considère-t-il. Développé depuis octobre 2011, le projet de salles de consommation de Médecins du monde et de GAIA est aujourd’hui bouclé dans ses grandes lignes. Des discussions sont en cours avec la mairie de Paris à propos du lieu d’implantation de la salle qui dépendra par ailleurs du travail de sensibilisation auprès des forces de l’ordre et des riverains du quartier concerné, à ce jour tenu secret.

200 et 250 usagers.

Cette salle parisienne pourrait recevoir quotidiennement entre 200 et 250 usagers, 8 heures par jour durant toute la semaine. Déjà mises en place dans une dizaine de pays dont la Suisse, l’Allemagne ou l’Espagne, les salles de consommation de drogue s’inscrivent dans une politique générale de réduction des risques en donnant la possibilité aux populations les plus précaires de consommer leurs propres produits stupéfiants dans de bonnes conditions d’hygiène et sous supervision de professionnels de santé et médico-social. À Paris, entre 4 000 et 5 000 personnes en situation de précarité consommeraient des drogues dans l’espace public - rues, parkings, toilettes, halls d’immeuble - indique le Dr Avril. « Ces salles doivent permettre d’entrer en contact avec un maximum de personnes éloignées des structures de soins et des structures d’aide sociale », souligne-t-elle. Le projet de salle de consommation GAIA/Médecins du monde prévoit un premier entretien individuel avec chaque personne souhaitant bénéficier du dispositif. La salle s’adresse aux consommateurs de drogues par voie intraveineuse ou par inhalation âgés d’au moins 18 ans. Les couples d’injecteurs et les femmes enceintes feront l’objet d’une inclusion spécifique dans le programme.

Besoin de financements.

Une fois intégrées dans le dispositif, ces personnes disposeront d’une carte leur permettant d’accéder plus facilement à l’enceinte. « À chaque venue dans la salle, les personnes doivent impérativement montrer le produit et la quantité de produit qu’elles veulent consommer afin que l’intervenant valide ou non l’entrée dans le dispositif », explique le Dr Avril. Si l’on ne pénètre jamais dans une salle de consommation sans sa propre substance, un matériel stérile est fourni aux usagers de drogues pour assurer une bonne hygiène dans l’administration du produit. Des postes individuels sont prévus pour les injections, les postes collectifs (4 à 5 personnes) étant réservés pour l’inhalation de substances comme le crack. Outre un feu vert gouvernemental, les associations GAIA et Médecins du monde espèrent des annonces de co-financement de ce type d’action. L’accueil quotidien de 200 usagers de drogues nécessitant une douzaine d’équivalents temps plein, a estimé le Dr Avril. Point positif : la région Ile-de-France a pour sa part adopté fin septembre l’octroi d’une subvention de l’ordre de 200 000 euros annuels pour ce type de structure.

 DAVID BILHAUT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9173