Le tabac est un facteur bien connu de sensibilité aux infections respiratoires et d’aggravation de celles-ci, comme avec la tuberculose ou la grippe. Le poumon du fumeur est en effet plus susceptible d’être contaminé par les agents infectieux. Dans une autre infection à coronavirus, le MERS-CoV, le tabagisme a été associé à un net surrisque d’infection et d’évolution vers des formes sévères. Le risque de décès chez les fumeurs était plus que doublé (6). Ce surrisque était en partie lié ici à une surexpression dans les poumons des fumeurs du récepteur à ce coronavirus-ci, le DDP4 (7). Pour sa part, le coronavirus SARS-CoV-2 se lie aux récepteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE2). Il semblait donc nécessaire devant cette pandémie de se pencher attentivement sur les premières données observées avec le SARS-CoV-2 chez les fumeurs. Sans être nécessairement significatives vu la taille réduite des effectifs, elles suggèrent que le tabagisme majore nettement le risque d’évolution vers une forme sévère de la maladie. La BPCO, quant à elle, n’est pas si souvent retrouvée chez les sujets hospitalisés − mais il faut garder en mémoire qu’elle est largement méconnue/sous diagnostiquée ; dans ces cohortes, lorsqu’une BPCO est identifiée, elle majore le risque de gravité. Si l’on étudie attentivement les caractéristiques des patients admis en réanimation, bien que l’HTA et le diabète soient des comorbidités prédominantes, le tabagisme semble être un cofacteur de risque qui pèse lourd. Dans la plus grande cohorte, on retrouve en effet un taux 20 fois plus important de BPCO parmi les patients nécessitant une prise en charge en réanimation, une intubation ou décédés. Par comparaison, on a juste cinq fois plus de diabétiques et deux fois plus d’hypertendus chez les sujets nécessitant une réanimation, une intubation ou décédés que chez ceux n’en nécessitant pas (2).
Nous avons donc aujourd’hui un ensemble de données suggérant que le tabagisme est un cofacteur non négligeable de sévérité de la maladie Covid-19. Dans ce contexte, il nous a semblé important d’informer et mettre en garde les fumeurs, en général peu conscients de ce surrisque.
D’autant que la gestuelle du fumeur, caractérisée par les mouvements main bouche, peut favoriser la contagion et que le confinement expose l’entourage au tabagisme passif. C’est pourquoi nous encourageons tous les fumeurs au sevrage. Le confinement n’est peut-être pas la situation la plus favorable mais cette pandémie peut constituer un élément de motivation. Actuellement, les centres de tabacologie restent joignables ainsi que la ligne dédiée Tabac Info Service (3989, www.tabac-info-service.fr). Quant aux médecins, ils peuvent, pendant cette période de confinement, délivrer par téléconsultation des ordonnances de prise en charge pour des substituts nicotiniques ou de la varénicline, aujourd’hui tous pris en charge par l’Assurance-maladie.
* CHU Pitié-Salpêtrière, Paris, porte-parole de la Société francophone de tabacologie (1) http://societe-francophone-de-tabacologie.org/dl/SFT-CP-Tabac-et-Covid1… (2) Guan W et al. Nejm 2020; DOI:10.1056/NEJMoa2002032 (3) J Zhang et al. Allergy 2020; doi:10.1111/all.14238 (4) W Liu et al. Chin Med J 2020;doi:10.1097/CM9.0000000000000775 (5) CI Vardavas et al. Tob Induc Dis 2020;doi:10.18332/tid/119324 (6) HS Nam et al. Int J Inf Disease 2017;58:37-42 (7) LJM Seys et al. Clin Inf Disease 2018; 2018;66:45-53
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