Il y a un an s'ouvrait dans les locaux de l'hôpital parisien Lariboisière la première salle de consommation à moindre risque (SCMR), inaugurant une période d'expérimentation de 10 ans.
Selon les chiffres communiqués par l'association Gaïa, qui gère cette salle, environ 800 personnes se sont depuis inscrites dans le dispositif, et 53 582 consommations y ont eu lieu, soit 165 consommations en moyenne par jour.
« Les usagers se sont inscrits progressivement », explique au « Quotidien » le Dr Élisabeth Avril, directrice de l'association Gaïa-Paris. Ces usagers majeurs, poly consommateurs en situation de précarité, font pour l'essentiel partie des 2 200 personnes déjà connues par l'association sur le nord-est de Paris. « Nous avons seulement 10 % de « nouveaux » usagers », poursuit le Dr Avril. Ouvert 7 jours sur 7 entre 13 h 30 et 20 h 30, l'espace comprend 12 places d'injection et 4 postes d'inhalation.
Une intervention d'urgence toutes les 3 semaines
« Nous avons eu 13 événements nécessitant l'intervention des services d'urgence depuis l'ouverture », dénombre le Dr Avril. « Cela allait d'overdoses à l'insuffisance respiratoire ou la crise d'épilepsie. » À ce décompte, il faut ajouter une cinquantaine de mises sous monitoring dans la salle même.
Les produits consommés sont « les mêmes que ceux observés depuis 2001 ou 2002 : principalement du sulfate de morphine (des analgésiques opioïdes détournés, N.D.L.R) avec, à la marge, de l’héroïne, explique le Dr Avril. Il y a aussi un peu de buprénorphine et de méthadone, et des consommateurs de crack ». Une fois l'acte fait, une salle de repos est disponible pour les usagers qui peuvent aussi solliciter la rencontre avec un médecin ou un infirmier. En tout, 827 consultations sanitaires pour des soins de plaies, d'abcès ou une orientation vers des traitements de substitution ont eu lieu.
En outre 123 dépistages de maladies infectieuses ont été réalisés. « Cinq de nos usagers ont été dépistés positif pour l'hépatite C et guéris grâce aux nouveaux traitements, se réjouit le Dr Avril. Ce qui est bien car il s'agit de personnes très éloignées de l’accès aux soins. »
Une perception en décalage
Le nombre de seringues retrouvées dans l'espace public a diminué de 60 % selon une première évaluation communiquée en mars dernier, lors d'un comité de pilotage de la salle. Parallèlement, la baisse mesurée par JC Decaux dans les sanisettes du quartier est quant à elle de 44 %. Ces orientations sont confirmées par les observations ethnographiques de Marie Jauffret-Roustide, chercheuse INSERM chargée par la MILDECA d’évaluer l’impact du dispositif et son acceptation par les riverains.
Plusieurs fois par semaine, cette sociologue inspecte les rues adjacentes à la SCMR pour y photographier les traces d’injection (seringues, flacons de méthadone…). « Il peut y avoir des variations d’une sortie à l’autre, mais on observe une tendance à la baisse », nous explique-t-elle.
Cette baisse satisfait-elle les riverains ? Pas nécessairement. Les 70 entretiens, menés avec des habitants et des commerçants, ont révélé à Marie Jauffret-Roustide une ambiguïté sur le but de la salle : « Les riverains espéraient que cette salle allait vider les rues des usagers », or des évènements récents ont concouru à les rendre au contraire plus visibles.
En février 2017, une importante bagarre entre usagers devant la SCMR a rallumé les feux de la contestation. Dans le même temps, « les quelques usagers qui injectaient auparavant plutôt dans la rue de Maubeuge se sont déplacés vers les rues Ambroise Paré et Saint Vincent de Paul où il y a beaucoup plus d’habitations », analyse Marie Jauffret-Roustide pour qui il y a « de perception entre les données chiffrées sur les seringues présentées par la mairie qui constituent un des indicateurs de l'impact positif de la salle et le vécu de la situation par les habitants qui est plus centré sur la présence des usagers dans l'espace public ».
Autre évènement : l’opération « Barbès respire » qui a chassé des usagers, des revendeurs et des SDF vers la Gare du Nord, ainsi que l’arrivée dans le quartier de migrants confondus avec des usagers de drogues. « Il y a des changements dans le quartier qui sont imputés à tort à la salle, explique le Dr Avril, mais il s'agit d'une problématique plus large qui embrasse l’hébergement et la temporalité en santé mentale. »
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