Fin des gadolinés linéraires

Des injections à bon escient

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Publié le 11/12/2017
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Globalement très bien tolérés, les produits de contraste utilisés en radiologie, ont un statut de médicaments diagnostiques, et donc une autorisation de mise sur le marché et un suivi de pharmacovigilance. Les produits gadolinés entraînent très peu d’effets secondaires, moins que les produits iodés car ils sont utilisés à dose plus faible. « Ils ont donc très vite été considérés comme anodins, rappelle le Pr Olivier Clément (hôpital européen Georges Pompidou, Paris), même s’ils peuvent être à l’origine de réactions allergiques ».

Une première alerte a été donnée en 2007, avec la mise en évidence d’un risque de fibrose systémique néphrogénique chez les patients insuffisants rénaux et dialysés qui avaient reçu des doses répétées. Ceci a conduit les autorités européennes à leur attribuer un niveau de risque en fonction de leur structure chimique, et donc de la force de cohésion du chélate de gadolinium : faible risque pour les macrocycliques, moyen pour les linéaires substitués et fort risque pour les linéaires. « Suite à cette classification de 2010, les néphrologues ont réduit leurs prescriptions d’IRM et les radiologues ont utilisé préférentiellement les macrocycliques », poursuit le Pr Clément.

Une voie métabolique annexe

L’affaire semblait être réglée, jusqu’à une nouvelle alerte, en 2015, portant cette fois sur la présence d’hypersignaux intracérébraux persistants chez des patients dont la fonction rénale était normale, mais ayant reçu des injections multiples. Il s’agit le plus souvent de patients jeunes, des enfants ou des adultes jeunes suivis pour une maladie chronique, comme une sclérose en plaques ou une maladie de Crohn, ou une mutation BRCA. Ces dépôts, plus fréquents avec les produits gadolinés linéaires, sont sans traduction clinique, mais ils témoignent de l’existence d’une voie métabolique annexe.

Les autorités européennes ont, une nouvelle fois, mis en place une procédure de pharmacovigilance via le Comité pour l’évaluation du risque en matière de pharmacovigilance (PRAC) en mai 2016, pour réévaluer le rapport risque/bénéfice de ces produits. L’arrêt de commercialisation des produits gadolinés linéaires a été recommandé dans son premier rapport en mars 2017, une position confirmée, après une nouvelle expertise et un recours des laboratoires, dans un avis de juillet dernier : les linéaires seront suspendus, les linéaires substitués limités à un usage hépatique et les macrocycliques maintenus. Le Comité des médicaments à usage humain (CHMP) a validé cette décision fin juillet 2017.

Toujours très utile

Trois pays Européens ont demandé à la Commission européenne de s’expliquer, arguant que l’Agence américaine Food and Drug Administration (FDA) a décidé de faire seulement une mise en garde sur le risque de dépôts de gadolinium, en septembre 2017. Une réunion spéciale du comité permanent de la Commission européenne a été organisée le 14 novembre dernier, qui a entériné la décision, avec un délai potentiel de mise en application d’un an pour certains pays demandeurs.

« En Europe, les radiologues n’avaient pas attendu cette décision pour modifier leurs pratiques et les laboratoires ont majoritairement orienté leurs stratégies de développement vers les macrocycliques, explique le Pr Olivier Clément. Le gadolinium reste très utile pour le diagnostic dans une majorité de cas cliniques. Il ne faudrait pas que les médecins ou les patients montrent une résistance à l’injection, quand celle-ci est nécessaire. L’histoire montre qu’il aurait fallu sans doute accorder dès le départ plus d’importance à la petite voie métabolique accessoire, qui fait que de petites quantités de gadolinium transitent dans le liquide céphalorachidien, et que les produits les plus stables auraient dû être privilégiés d’emblée. Et elle doit nous inciter à mener une réflexion sur les indications d’injection ».

Syndrome grippal

Mais l’histoire n’est peut-être pas finie, avec un nouveau signal qui émerge : la survenue extrêmement rare d’un syndrome de type grippal chez certains patients dans les jours qui suivent l’injection. Simple hasard ? Sensibilité individuelle ? Aux radiologues de s’emparer du problème et d’initier des recherches.

Entretien avec le Pr Olivier Clément, hôpital européen George Pompidou (Paris)

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan Spécialiste