Ce n’est pas tous les jours qu’on est cité en ouverture d’un article du Monde. C’est pourtant ce qui est arrivé à Corentyn Ayrault, interne en sixième semestre de réanimation à l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris, qui a eu les honneurs du quotidien vespéral dans son édition du 27 avril dernier. L’article, qui titrait sur « l’usure des internes », était clairement alarmiste, expliquant que les apprentis réanimateurs se détournaient des services Covid, et que « plusieurs services de réanimation franciliens pourraient se retrouver en difficulté ». « C’est sûr qu’à part la gloire, on n’a pas grand-chose », lâchait Corentyn à nos confrères du Monde. Mais il lui en faudrait bien davantage pour désespérer de sa spécialité.
« C’est une spécialité très polyvalente, il faut avoir des connaissances dans beaucoup de domaines, et on a aussi beaucoup de gestes techniques à effectuer », explique-t-il au « Quotidien du Médecin ». Et pourtant, le jeune homme n’était pas du tout parti pour être anesthésiste-réanimateur. « J’avais choisi médecine pour faire gynécologie-obstétrique, c’est ce que j’avais toujours voulu faire », confie-t-il. Mais un stage d’externat en réanimation chirurgicale, puis un autre en anesthésie, l’ont convaincu de changer son fusil d’épaule. Et aujourd’hui, quand on lui demande s’il a des regrets, la réponse fuse : « Pas du tout ! », s’exclame-t-il.
« On a appris à marche forcée »
Corentyn n’est cependant pas du genre à nier les difficultés qu’il y a à se former à l’anesthésie-réanimation par temps de crise sanitaire. « Les deux premiers mois, surtout, ont été très compliqués », se souvient-il. Des renforts sont arrivés par la suite, mais il avoue que « c’est très éprouvant sur la durée », et qu’il a eu peur que sa formation n’en pâtisse. « On a appris à marche forcée, ça nous a fait progresser plus vite, mais d’un autre côté, on est mobilisés sur des aspects très pointus, ce qui nous empêche de voir d’autres versants de la spécialité », détaille-t-il. L’interne déplore par exemple n’avoir pas eu l’occasion de voir suffisamment de chirurgies lourdes.
Il estime par ailleurs que la crise aura un impact certain sur l’image de sa spécialité. « Cela va drainer des gens qui aiment bien ce rythme, avec des gardes, du travail de nuit, prévoit-il. En revanche, il y aura probablement des gens qui vont se tourner vers des spécialités plus calmes, sur le plan physique comme sur le plan psychologique. »
Et pourtant, malgré ces craintes, Corentyn a choisi de rempiler, et de reprendre encore une petite dose de crise sanitaire. Arrivé il y a quelques semaines pour un semestre d’anesthésie au CHU de Bordeaux, où il devait être en théorie moins occupé par le coronavirus, il est presque aussitôt reparti pour deux semaines en Guadeloupe avec une équipe bordelaise chargée d’appuyer le Centre hospitalier de Basse-Terre à… monter une réa covid ! « C’est une expérience extrêmement enrichissante, on voit des côtés de l’exercice qu’on n’a pas l’habitude de voir quand tout est déjà prêt et qu’on a du matériel à profusion, s’enthousiasme-t-il. On doit s’intéresser à tout, y compris aux aspects logistiques. »
Ne pas choisir, c’est encore choisir
Reste qu’une fois de retour en métropole, l’interne voyageur sera content de retrouver la région bordelaise et de parfaire sa formation sur les aspects qu’il n’a pas encore pu suffisamment aborder. Car dans une spécialité très scindée entre anesthésistes et réanimateurs, il refuse catégoriquement de choisir, et doit donc s’intéresser à tout. « Après mon internat, j’aimerais avoir une activité où je ferais deux semaines par mois de réa, et deux semaines par mois d’anesthésie, se prend-il à rêver. Je préfère garder les deux valences, je trouve qu’elles se complètent et qu’on peut faire les deux sans être mauvais dans l’une ou dans l’autre. »
Un goût pour le compromis qui se retrouve dans le type de structure dans laquelle il compte établir son activité post-internat : idéalement, ce serait un Établissement de santé privé d'intérêt collectif (Espic). « Je trouve qu’il y a beaucoup de freins dans le public, qu’on y est comme écrasés par une forme de pyramide administrative, mais je ne suis pas non plus dans une démarche lucrative et ne me vois pas dans une clinique privée, même si je sais que certains y trouvent leur compte », explique-t-il. Corentyn n’a plus qu’à finir son internat… et à trouver chaussure à son pied !
Exergue : C’est une spécialité très polyvalente, il faut avoir des connaissances dans beaucoup de domaines, et on a aussi beaucoup de gestes techniques à effectuer
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