Le mode de financement des tests oncogénétiques, via le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN), est à bout de souffle, a alerté le 29 septembre la Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP), lors de son congrès annuel. Alors que cette situation de blocage en compromet l'accès, « presque tous les cancers (poumon, sein, côlon, ovaire, pancréas, prostate…) font aujourd’hui l’objet d’une analyse génétique indispensable pour orienter les thérapeutiques », a expliqué le Pr Pascal Pujol, président de la SFMPP.
Pierre angulaire de la médecine de précision, les tests moléculaires, comme celui du gène BRCA, sont entrés dans les pratiques. « La caractérisation moléculaire est maintenant un standard : l’oncologie de précision est devenue la seule cancérologie de 2021, utilisée en routine, a insisté le Pr Jean-Yves Blay, directeur d’Unicancer. De plus, certaines thérapies agnostiques ciblent des anomalies génétiques très rares retrouvées dans différents cancers, comme la fusion du gène NTRK qui concerne environ 1 800 nouveaux patients par an. L’accès à ces traitements dépend de la possibilité de réaliser le diagnostic moléculaire ».
De multiples outils existent pour réaliser le portrait moléculaire d’un cancer : séquençage à très haut débit, NGS, signatures d’instabilité de l’ADN… « Mais on est limité par une inertie administrative qui ne prend pas en compte l’avancée des connaissances et des capacités technologiques », a ajouté la Pr Dominique Stoppa-Lyonnet, cheffe de service de génétique à l’Institut Curie (Paris).
Les limites du système de remboursement
Les tests génétiques sont actuellement pris en charge par la direction générale de l’offre de soins (DGOS) dans le cadre d'une enveloppe budgétaire, qui comprend le RIHN et la liste complémentaire (LC). Créé en 2015, le RIHN donne un statut temporaire aux nouvelles procédures, qui sont remboursées pendant trois ans, avec une possible prolongation de deux ans. « L’enveloppe budgétaire (RIHN et LC) s’élève à 380 millions d’euros, mais elle est fixe et non extensible », a précisé le Pr Jean-Jacques Zambrowski, médecin et professeur de politique et d’économie de la santé (université Paris-Saclay).
Pour que les tests génétiques puissent être transférés dans la nomenclature des actes de biologie médicale et ainsi être remboursés par l’Assurance-maladie, ils doivent être évalués par la Haute Autorité de santé (HAS) sur la base des données cliniques et médico-économiques. « Or, ces études ne sont souvent pas réalisées », a rapporté le Pr Zambrowski. « La HAS n’a pas ouvert cette année son dispositif d’évaluation et d’appréciation des nouveaux actes en génétique », a déploré le Pr Pascal Pujol.
Ainsi, la période du RIHN arrive à échéance et les tests restent dans le référentiel sans accéder au remboursement escompté. « On touche malheureusement aux limites du système économique en place, a constaté amèrement le Pr Pujol. De plus, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2022, présenté le 24 septembre, ne contient pas un mot sur l’innovation diagnostique, ni sur les RIHN. Or, si le système ne permet plus la prise en charge, on s’expose à des pertes de chances pour les patients ! »
Vers une remise à plat
« En 2018, la DGOS a fixé un montant de remboursement à la moitié du prix effectif des tests génétiques, a ajouté le Pr Zambrowski. Les grands centres de cancérologie peuvent financer le reste à charge aux patients, alors que d’autres n’ont pas cette possibilité financière, ce qui occasionne ainsi un accroissement des inégalités ».
Par exemple pour la recherche du gène BRCA, les centres de lutte contre le cancer (CLCC) réalisent aujourd’hui 41 % des tests en France (1 500 euros le test). « Le coût de ces tests oncogénétiques représente environ 26 millions d’euros et nous ne sommes compensés qu’à hauteur de 13 millions, a expliqué la Pr Frédérique Penault-
Llorca, directrice générale du CLCC de Clermont-Ferrand. Certains établissements pour lesquels on les réalise - la moitié des patients ne venant pas de nos centres - ne peuvent pas payer le reste à charge. On participe donc à la prise en charge de la collectivité… Par ailleurs, il est anormal que certains patients se retrouvent à payer leurs tests : ils sont pris en otage par un système de financement bancal ».
Le comité éthique et cancer a ainsi écrit un rapport (avril 2021), dont la diffusion est attendue prochainement, stipulant que le non-financement approprié de ces tests génétiques est de nature à accroître les inégalités. « La Ligue contre le cancer, associée à Unicancer, a voulu alerter au plus haut niveau », a précisé la Pr Stoppa-
Lyonnet, rapporteuse du dossier. L’idée de financer les tests a néanmoins l’air de faire son chemin. En effet, la nouvelle stratégie nationale à l’horizon 2030, divulguée lors du conseil stratégique des industries de santé en juillet dernier, laisse entrevoir une remise en cause du mode de prise en charge de l’innovation et du système actuel du RIHN.
D’après la conférence de presse du 7e congrès de la SFMPP (29/09/2021)
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