Prévalence
Dans l’année qui suit le diagnostic, la moitié des patientes expérimentent une détresse émotionnelle significative et la prévalence de la dépression est deux fois supérieure à celle retrouvée en population générale. Cinq ans après le diagnostic, 15 % des patientes présentent un épisode dépressif caractérisé ou un trouble anxieux.
L’existence d’un épisode dépressif caractérisé a pour conséquence un plus grand nombre d’effets secondaires des traitements, une moindre observance, une altération significative des différentes dimensions de la qualité de vie, et une majoration de la détresse émotionnelle de l’entourage.
Bien que la dépression soit fréquente au sein de cette population, elle reste insuffisamment diagnostiquée et traitée. Un sentiment de honte de la part des patientes peut parfois expliquer cette difficulté à pouvoir exprimer cette détresse. Il existe pourtant des traitements psychothérapeutiques et pharmacologiques efficaces, dont la combinaison a montré une efficacité supérieure à chaque approche prise isolément. Une meilleure connaissance des facteurs précoces associés au développement ultérieur de dépression peut permettre d’en améliorer le dépistage et de cibler les populations à risque, tout en déterminant les facteurs pouvant faire l’objet d’une intervention précoce.
L’impact de la sévérité
La sévérité du cancer et des traitements a-t-elle un impact sur la dépression ?
Si l’on peut logiquement supposer que la sévérité du cancer et le caractère invasif des traitements sont les principaux facteurs de risque de dépression, les données de la littérature ne confirment pas cette hypothèse. Dans une étude réalisée auprès de 2 595 patientes ayant un cancer du sein non métastasé, Bardwell et al. (2 006) ont démontré que les caractéristiques de la tumeur (stade tumoral initial, type histologique) et les types de traitements reçus (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie) n’expliquaient à eux deux que 1,5 % du score de dépression, 3,8 % étant expliqué par les caractéristiques personnelles (principalement l’âge et le statut marital), 9,2 % par la qualité de vie et le retentissement subjectif de la maladie (qualité de vie, douleur, fatigue), et 16,3 % par les caractéristiques psychologiques (stress perçu, soutien social perçu, optimisme). D’autres travaux ont par la suite confirmé que le risque de développer une dépression dépendait plus de la réaction individuelle à la maladie et aux traitements que de l’existence ou non de ces traitements.
Caractéristiques
Quelles sont les caractéristiques sociodémographiques et psychologiques associées au risque ultérieur de dépression ?
À l’instar de nombreuses pathologies somatiques, la dépression dans le cancer du sein est plus fréquemment observée chez les patientes célibataires (plus faible soutien social perçu), jeunes (ménopause précoce, impact plus important de l’altération de l’image corporelle), ayant des ressources financières plus faibles et un plus faible niveau d’éducation (moindre facilité d’accès et moindre connaissance des modalités de prise en charge psychologique), ou chez celles ayant des comorbidités somatiques associées.
Plusieurs facteurs psychologiques précoces constituent des facteurs de risque de dépression ultérieure : un antécédent d’épisode dépressif ou de trouble anxieux avant la maladie, un niveau élevé de dépression et d’anxiété juste avant l’annonce de la maladie, une perception de faible soutien social de la part de l’entourage, un sentiment de désespoir plus important, une plus grande difficulté à exprimer des émotions « négatives » (colère, tristesse, peur), et certaines caractéristiques de personnalité comme un pessimisme « dispositionnel » (tendance généralisée à anticiper une issue défavorable aux événements et à avoir une perception négative de soi et du monde), une faible « agréabilité », ou une anxiété trait de personnalité élevée.
À l’inverse, plusieurs facteurs sont des facteurs protecteurs : la perception d’un bon soutien social de la part de l’entourage (en particulier de la part du conjoint), le recours à des stratégies d’ajustement psychologique de type « acceptation » et « réinterprétation positive », et certaines caractéristiques de personnalité comme un optimisme dispositionnel.
Conclusion
Dans les suites du diagnostic de cancer du sein, la dépression est fréquente et a un impact important tant pour la patiente que pour son entourage. Les données actuelles suggèrent que le risque de développer une dépression est plus lié aux caractéristiques individuelles préexistantes à la maladie et à la réaction de la patiente face à la maladie et à ses traitements qu’aux caractéristiques de ces derniers. Ces données ont plusieurs implications pratiques. Tout d’abord, on ne peut pas prédire la sévérité de la dépression à partir de la sévérité du cancer : les patientes ayant des pathologies sévères n’auront pas nécessairement besoin d’une aide psychologique, tandis que certaines patientes ayant des pathologies peu sévères et prises en charge précocement pourront développer une détresse émotionnelle significative. Ces résultats suggèrent également que des interventions précoces favorisant le soutien social, l’expression émotionnelle, et travaillant sur certaines dimensions de personnalité (pessimisme, agréabilité, anxiété trait) pourraient permettre de limiter la survenue ou l’intensité de la dépression. Pour mieux dépister et prendre en charge la dépression dans cette population, il convient donc de pouvoir prendre en considération, au-delà de la sévérité objective de la maladie, la réaction subjective de la patiente à sa maladie et à ses traitements.
Références bibliographiques :
Bardwell W, Natarajan L, Dimsdale J, et al. Objective cancer-related variables are not associated with depressive symptoms in women treated for early-stage breast cancer. Journal of Clinical Oncology. 2006;24(16):2420-7.
Fann JR, Thomas-Rich AM, Katon WJ, et al. Major depression after breast cancer: a review of epidemiology and treatment. General Hospital Psychiatry. 2008;30(2):112-26.
Reich M, Lesur A, & Pedrizet-Chevalllier C. Depression, quality of life and breast cancer: a review of the literature. Breast Cancer Research and Treatment. 2008;110(1):9-17.
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