L’échec de la radio-embolisation (SIRT) en première ligne (études SARAH et SirVenib) a été confirmé par la publication finale de l’étude de phase III SORAMIC qui montre l’absence de bénéfice, en survie globale (critère de jugement principal), de l’association SIRT combinée au sorafenib vs sorafenib seul dans le CHC avancé (1) : respectivement 12,13 mois vs 11,47 mois (médiane en ITT ; p = 0,951). De même, en population per-protocole, aucune amélioration significative n’a été observée. Une analyse en sous-groupe a cependant retrouvé un bénéfice de la SIRT en termes de survie pour les patients non cirrhotiques, avec une étiologie non alcoolique et ayant moins de 65 ans.
Les principaux axes d’optimisation du traitement par SIRT consistent en :
- Une approche thérapeutique plus sélective permettant de préserver au maximum le parenchyme sain et de cibler plus efficacement la zone tumorale ;
- Des modalités de planification du traitement optimisées en utilisant mieux les données de la phase préparatoire et en visant une dose dans la tumeur > 100 Gy (> 190-200 Gy ?) ;
- Une sélection stricte des patients, en particulier sur la fonction hépatique (score ALBI probablement plus performant que le CP pour prédire la survie spontanée des patients).
Les rendez-vous manqués de l’immunothérapie en solo
L’autre déception vient de l’échec des immuno-(mono)-thérapies en première et seconde lignes qui n’avait pas été anticipé après des études de phase II très encourageantes (ChecKMate 040 et Keynote 224) (2, 3). D’une part, l’étude CheckMate 459 (4), comparant l’effet du nivolumab au sorafenib chez 743 patients en première ligne, montre une survie médiane similaire à 16,4 mois (95 % CI ; 3,9-18,4) pour le nivolumab et à 14,7 mois (95 % CI ; 11,9-17,2) pour le sorafenib (p = 0,0752) (figure 1).
La survie sans progression médiane a été parallèlement de 3,7 mois (95 % CI ; 3,1-3,9) pour le nivolumab et de 3,8 mois (95 % CI ; 3,7-4,5) pour le sorafenib (p = 0,93). Par contre, comme attendu, la réponse a été de 15 % pour le nivolumab et 7 % pour le sorafenib (OR 2,41 ; 95 % CI, 1,48-3,92), indépendamment du statut PD-L1. Parmi les explications de l’échec du nivolumab en première ligne, une survie médiane sous sorafenib inhabituelle et davantage de possibilités thérapeutiques supplémentaires (48 % vs 38 %), incluant de l’immunothérapie pour les patients du bras sorafenib, ont été proposées.
En 2e ligne, le pembrolizumab n’a pas montré non plus de bénéfice en termes de survie par rapport aux soins de confort dans l’étude Keynote 240 (5). En effet, la survie a été 13,9 mois (95 % IC ; 11,6-16) vs 10,6 mois (95 % IC ; 8,3-13,5) (p : 0,0238 mais avec un p requis de 0,0174). Il existait par contre un bénéfice de survie sans récidive (3,0 vs 2,0 mois ; p = 0,0022) en faveur du pembrolizumab.
Des combinaisons prometteuses
Les perspectives les plus encourageantes sont apportées par les premiers résultats des combinaisons thérapeutiques de molécules orales de type TKI et d’immunothérapies (lenvatinib ou sorafenib et anticorps anti-PD1 ou anti-PD-L1) ou les combinaisons d’immunothérapies (anti-CTLA4 et anti-PD1). Le résultat préliminaire le plus remarquable de cette approche est l’augmentation très significative du taux de réponse tumorale (RR) par rapport à la monothérapie par sorafenib, dans toutes les études de phase II présentées en 2018 et 2019 à l’ASCO ou à l’ESMO (exemple de RR : sorafenib 6,5 % ; nivolumab 20 %, bevacizumab/atezolizumab 32 % ; pembrolizumab/lenvatinib 42 % et ipililumab/nivolumab 32 %), parfois au prix d’une dégradation de la tolérance (6, 7, 8). En 1e ligne, plusieurs études de combinaison en phase III sont déjà en cours, avec des résultats attendus pour 2020-2021.
Cette approche thérapeutique pourrait rapidement porter ses fruits puisque dans l’étude randomisée de phase III Imbrave 150, l’atézolizumab (anticorps anti-PD-L1) associé au bevacizumab (anticorps anti-VEGF) apporterait un bénéfice en termes de survie globale et de survie sans progression par rapport au sorafenib (9). Ces résultats qui devraient être présentés dans les tout prochains mois pourraient, pour la première fois depuis 10 ans, remettre en cause la suprématie absolue du sorafenib en 1e ligne dans le CHC avancé en France, surtout depuis le récent refus de remboursement du lenvatinib en monothérapie dans cette indication (10).
*Centre Hospitalier Paris Saint-Joseph; **Centre Paul Brousse, Paris
(1) Ricke J et al. J Hepatol 2019 Aug 14.
(2) El-Khoueiry AB et al. Lancet 2017; 389:2492-2502.
(3) Zhu AX et al. Lancet Oncol 2018; 19: 940-952.
(4) Yau T et al. Ann Oncol 30, 2019 (ESMO, suppl abstr LBA38)
(5) Finn R et al. J Clin Oncol 37, 2019 (ASCO, suppl; abstr 4004)
(6) Yau T et al. J Clin Oncol 37, 2019 (ASCO, suppl; abstr 4012).
(7) Llovet J et al. Ann Oncol 30, 2019 (ESMO, suppl abstr 747P)
(8) Lee MS et al. Ann Oncol 30, 2019 (ESMO, suppl abstr LBA39)
(9) Communiqué de presse du laboratoire Roche du 21 octobre 2019
(10) Communiqué de l’HAS, octobre 2019
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