L’INTERRELATION entre nutrition et cancer est multifactorielle. Qu’en est-il du rôle de plus en plus souvent évoqué de certains aliments ou nutriments sur l’augmentation ou la diminution du risque de cancer ? Le retentissement de la maladie sur le statut nutritionnel des patients cancéreux est évident mais est-il dû à la tumeur elle-même, aux traitements ou aux deux ? Le statut nutritionnel d’un patient modifie le pronostic d’un cancer. Des conseils nutritionnels peuvent l’améliorer. Qu’en est-il des compléments nutritionnels ou vitaminiques ? Le Dr Somdat Mahabir (National Cancer Institute, Bethesda, Etats-Unis) a tenté de répondre à ces questions en soulignant, lorsque cela était possible, les spécificités liées au cancer du poumon.
Si 87 % des cas surviennent chez des fumeurs actuels ou anciens, 85 % des gros fumeurs n’en développent jamais. Des facteurs génétiques associés ou non à des facteurs environnementaux, parmi lesquels les aliments ou les nutriments, pourraient expliquer cette apparente contradiction. Les études qui ont analysé l’impact de l’alimentation sur le risque de survenue d’un cancer sont très nombreuses. Elles donnent cependant souvent des résultats contradictoires qui peuvent s’expliquer par la complexité d’isoler les effets d’un seul composé. De plus, des comportements alimentaires néfastes s’accompagnent souvent d’autres comportements délétères comme le tabagisme.
Ces constatations ont conduit à émettre une gradation dans le crédit à apporter à ces études. Sont considérés comme « convaincants » les éléments concluant à une augmentation du risque de cancer du poumon par le bêta-carotène, « probables » les arguments montrant que la consommation de fruits et de légumes est associée à un moindre risque de cancer du poumon et « relatives » les données affirmant que la consommation de viande rouge, de beurre, la supplémentation en rétinol seraient associés à une augmentation de risque. De même, à vérifier l’affirmation selon laquelle la consommation de sélénium, de thé vert et noir, de vin rouge, d’huile d’olive serait associée à un moindre risque.
Une influence sur le statut nutritionnel.
La maladie cancéreuse retentit sur différents aspects : prise alimentaire, poids, force musculaire, carences… Or, le statut nutritionnel au moment du diagnostic et pendant la prise en charge du cancer peut modifier le pronostic.
Les patients cancéreux ne mangent pas suffisamment. L’incidence globale de malnutrition chez des patients atteints de cancer du poumon varie de 30 à 85 % selon les études. Pourtant, la malnutrition est associée à un taux plus élevé de complications ainsi qu’à une augmentation de la durée de l’hospitalisation et de la mortalité. La perte d’appétit et l’altération du goût associées à la détresse psychologique qui accompagne la maladie cancéreuse interviennent pour beaucoup dans cette sous-alimentation. Une perte de poids progressive est quasi-systématique. En cas de cancer du poumon, une perte de poids › 5 % est notée chez 50 à 60 % des patients et une perte › 10 % chez 25 % des patients. Malnutrition et perte de poids conduisent à la cachexie. Ainsi dans une étude sur 1 291 cas de cancer du poumon, 31 % des patients présentaient une cachexie (1).
La prévalence globale de fonte musculaire et de diminution de la force musculaire (sarcopénie) est augmentée chez les cancéreux. Une analyse tomographique sur 441 patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) a révélé une sarcopénie chez 47 % des patients (61 % des hommes et 31 % des femmes) (2). Or c’est un facteur prédictif de toxicité des chimiothérapies dans certains cancers. Enfin, des carences en minéraux et autres nutriments (vitamine D) sont aussi observées.
Nutrition et traitements.
Les résultats d’une chirurgie du cancer du poumon sont influencés par le statut nutritionnel. Les patients qui ont un statut nutritionnel altéré avant une lobectomie ont une moins bonne survie à long terme que les patients ayant un bon statut nutritionnel (3). La chirurgie peut nécessiter une réponse métabolique immédiate qui nécessite énergie et nutriments accrus, aussi est-il important de tenter de corriger ces déficiences nutritionnelles avant l’intervention.
« Peu de choses sont connues sur la relation entre radiothérapie et statut nutritionnel », regrette le Dr Mahabir. L’irradiation thoracique peut provoquer une inflammation de la muqueuse œsophagienne qui affecte la capacité d’avaler. Des études ont montré que la glutamine aurait des propriétés radioprotectrices contre l’œsophagite comme le montre une étude randomisée sur 41 patients chez qui une radiothérapie a été prescrite pour un CBNPC de stade 3 (4). Chez les patients ayant reçu de la glutamine orale (10 g/8 heures) les œsophagites sont moins nombreuses (31,8 % contre 68 %), moins sévères et plus tardives. De plus, dans ce groupe, les patients perdent moins de poids.
En ce qui concerne la chimiothérapie, dans une étude prospective sur 100 patients atteints de CBNPC stade 4, après deux cycles de chimiothérapie, les patients dénutris et présentant une hypoalbuminémie ont développé plus de toxicité chimio-induite que les patients ayant un bon statut nutritionnel (5). Par ailleurs, les patients ayant une séroalbuminémie normale répondent mieux à la chimiothérapie et ont une meilleure survie. « Des études suggèrent que l’adjonction d’antioxydants améliorerait les résultats de la chimiothérapie, mais pour le Dr Mahabir, ces résultats restent à confirmer. »
Symposium « Nutrition et cancer » présidé par N Schoenfeld (Berlin) et A Vergnenegre (Limoges).
(1)Fox KM et coll. J Oncol. 2009;2009:693458.
(2)Baracos VE et coll. Am J Clin Nutr. 2010;91(4):1133S-1137S
(3)Tewari N et coll. Lung cancer ;57(3):389-94.
(4)Topkan et coll. Lung Cancer 2009; 63(3):393-9.
(5)Arrieta O et coll. BMC Cancer. 2010;10:50.
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