L’augmentation du risque est relevée à très long terme

Des AVC après radiothérapie du cerveau dans l’enfance

Publié le 27/05/2011
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LE SURPLUS de risque n’apparaît qu’à très long terme, au-delà de 20 ans après le traitement par radiothérapie. « Nous avons créé une très grosse cohorte, comprenant 30 à 40 % des personnes ayant eu un cancer lorsqu’ils étaient enfants avant 1985 et dont on a pu avoir des données précises sur les doses reçues et le suivi à long terme », évoque Florent de Vathaire, directeur de recherche INSERM à l’Institut Gustave Roussy. La cohorte initiale comprenait 4 590 survivants à deux ans de cancers de l’enfant traités en 1985 ou avant (les premiers cas en 1946), dans huit centres en France et au Royaume-Uni. Parmi ces patients, 4 227 toujours en vie 5 ans après le diagnostic, sont inclus dans cette dernière analyse. Les enfants avaient été traités pour tous types de maladies malignes à l’exception des leucémies.

Un suivi médian de 29 ans.

Les doses de radiation délivrées sur 11 sites anatomiques cérébraux ont été estimées. Les données concernant la chimiothérapie ont été aussi prises en considération. Après un suivi médian de 29 ans, 23 décès dus à des AVC hémorragiques ou ischémiques ont été enregistrés.

La dose de rayons reçue au niveau d’une zone située en avant du tronc cérébral (citerne prépontique) semble jouer un rôle important sur le risque de décès par pathologies cérébrovasculaires. Lorsque cette zone est irradiée, « le risque est supérieur à celui observé lorsqu’on fait la moyenne des doses de rayonnements reçues sur l’ensemble du cerveau, ou lors d’une irradiation sur un autre site spécifique du cerveau. »

Par ailleurs, le risque à long terme de décès par AVC augmente de manière linéaire avec la dose de rayonnements reçue. Si on prend pour référence la population générale n’ayant pas reçu de radiations (risque 1), le risque augmente de 22 % pour chaque Gray additionnel reçu dans la citerne prépontique. Par rapport aux patients qui n’avaient pas reçu de radiothérapie ou qui avaient reçu moins de 0,1 Gy au niveau de cette région cérébrale, ceux qui avaient reçu plus de 50 Gy dans l’enfance avaient un risque de décès par AVC 17,8 fois plus élevé (p< 0,0001) .

Pourquoi l’irradiation de la citerne prépontique entraîne-t-elle de tels risques ? Cette zone est très proche d’une autre zone particulière, le polygone de Willis, boucle d’artères à la base de la distribution du sang au cerveau.

« Le caractère linéaire de la relation, s’il est confirmé dans les prochaines études, signifierait une augmentation du risque à partir de doses modérées d’exposition et pourrait avoir des conséquences importantes dans la planification des traitements radiothérapiques », estime Florent de Vathaire.

Radiothérapie qui épargnent les tissus sains.

Le message de ces chercheurs français est double. Les résultats montrent l’importance d’un suivi sur le très long terme des enfants ayant été traités pour cancer (tous ces décès, sauf 4, sont survenus plus de 20 ans après la radiothérapie). Et de la place préférentielle chez les enfants des nouvelles techniques de radiothérapie qui épargnent les tissus sains.

Le risque est augmenté chez les enfants dans des proportions très importantes comparativement à l’adulte, avec un rapport d’augmentation de 4 000% chez l’enfant versus 150% chez l’adulte pour des hautes doses d’irradiation. Ce qui est dû à la charge de rayons reçue sur une plus grande partie du corps en proportion, à la nature des cancers de l’enfant (génétiquement plus sensibles) et à la plus grande susceptibilité de l’organisme en croissance. Le point où le risque rejoint celui de l’adulte n’est pas 15 ans (définition pédiatrique), mais plutôt aux alentours de 20 à 25 ans.

Les travaux des mêmes auteurs sur la survenue des cancers secondaires en fonction de l’irradiation (thyroïde, sein et autres) font référence. Ils ont ensuite trouvé une augmentation des atteintes cardiaques : valvulopathies, infarctus, cardiomyopathie et péricardite en rapport avec l’irradiation.

Brain, (2011), http:/dx.doi.org/10.1093/brain/awr071.

Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8972