SIX ANS APRÈS les premières plaintes en 2006 et une instruction menée au pôle santé de Paris, les anciens patients surirradiés du centre hospitalier Jean-Monnet à Épinal (Vosges) sont venus en nombre pour suivre le début du procès du plus grave accident de radiothérapie survenu en France. Les audiences se tiendront chaque lundi, mardi et mercredi après-midi jusqu’au 31 octobre à la première chambre civile du tribunal de grande instance de Paris. Une retransmission vidéo de ces audiences est même exceptionnellement prévue dans une autre salle du Tribunal de grande instance de Paris ainsi qu’au TGI d’Épinal pour les parties civiles et leurs proches qui ne pouvaient pas se rendre dans la capitale. Entre 2001 et 2006, près de 450 personnes ont été surirradiées lors de séances de radiothérapie réalisées pour traiter des cancers de la prostate. Sept patients sont aujourd’hui décédés des suites directes de ces séances. L’enquête menée par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a permis d’identifier deux séries de dysfonctionnements. Des erreurs de paramétrage du logiciel de dosimétrie lors d’un changement de protocole en 2004 ont d’abord entraîné les surexpositions les plus graves, de l’ordre de 20 %, sur 24 patients traités entre mai 2004 et août 2005. Par la suite, une erreur de comptage des doses délivrées lors des contrôles radiologiques précédant la radiothérapie a fait 424 victimes de surdoses, de l’ordre de 8 à 10 % entre 2001 et 2006.
Sentiment d’abandon
Sept prévenus sont mis en cause dans ce procès des surirradiés d’Épinal. Deux médecins radiothérapeutes, les Dr Jean-François Sztermer et Michel Aubertel, ainsi qu’un radiophysicien, Joshua Anah sont poursuivis pour homicides, blessures involontaires, ainsi que non-assistance à personne en danger. Sont également jugés, l’hôpital d’Épinal en tant que personne morale, sa directrice de l’époque, l’ancienne directrice de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) des Vosges et l’ex-directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH) de Lorraine mis en cause pour omission de porter secours. À ce jour, 95 % des victimes ont été indemnisées, rappelle Philippe Stäbler, président de l’association vosgienne des surirradiés d’Épinal qui attend beaucoup de ce procès. « Ce que l’on veut, c’est la vérité », déclare-t-il. « Dans le dossier de l’instruction, il est montré que les protagonistes de notre drame se sont réunis à l’automne 2005 où des signaux d’alerte avaient déjà retenti. Ces signaux d’alerte n’ont pas été pris en compte. Cette réunion n’a fait l’objet d’aucun compte rendu et personne n’a bougé », dénonce-t-il. Selon lui, de très nombreux accidents de surirradiation auraient pu être évités. « J’ai le sentiment que nous avons été abandonnés », confie Philippe Stäbler qui n’entend toutefois pas faire de ce procès, celui de la radiothérapie.
Accident détonateur
L’affaire d’Épinal a suscité chez les professionnels de la discipline une « grande émotion vis-à-vis des victimes et de leurs familles et une inquiétude sur les causes de cet accident sans précédent en France », souligne la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO) qui représente la quasi-totalité des radiothérapeutes en exercice. L’accident d’Épinal aura fait office de détonateur dans l’univers de la radiothérapie française qui connaîtra ensuite d’autres accidents d’envergure comme à Toulouse en 2007. « La réglementation a été renforcée et les services de radiothérapie ont fait l’objet de visites de contrôles annuelles par l’Autorité de sûreté nucléaire depuis 2007 afin de vérifier le respect des procédures », rappelle la SFRO. Depuis Épinal, les effectifs de radiophysiciens ont été renforcés (de 350 à 530 équivalents temps plein entre 2006 et 2011). Des postes de qualiticiens dédiés à la radiothérapie ont été créés dans 140 centres en 2011 pour contribuer à la diffusion des procédures de sécurité et accompagner les services de radiothérapie dans la mise en œuvre des obligations d’assurance qualité. « Une culture de la sécurité, déjà largement présente dans de nombreux centres avant 2006, s’est amplifiée et généralisée au travers notamment de l’organisation du retour d’expérience et du signalement du moindre événement inattendu, tant à l’intérieur d’un service, qu’au niveau national, à l’aide du dispositif de déclaration à l’autorité de sûreté nucléaire » et à l’ANSM, souligne la SFRO. Aujourd’hui, deux tiers des patients français atteints de cancer bénéficient d’une radiothérapie, ce qui représente environ 200 000 traitements, soit près de 4 millions de séances par an. Pour accompagner l’évolution de la radiothérapie, la SFRO publiera d’ici à la fin de l’année un « livre blanc de la radiothérapie » qui exposera « la situation actuelle, les problématiques de la discipline et des propositions pour une démarche d’amélioration permanente ».
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