DE NOTRE CORRESPONDANT
PARMI SEPT-CENT DIX patients atteints de cancer du poumon incurable, 69 % d’entre eux ignorent que la chimiothérapie qui leur est donnée est à visée palliative, c’est-à-dire qu’elle ne les guérira pas, selon une étude de JC Weeks et coll publiée en 2012… Le droit de savoir n’est-il pourtant pas un droit fondamental des patients en fin de vie ? D’un autre côté, en l’absence de définition précise de ce qu’est une maladie au stade terminal, en révélant un pronostic fatal à son malade, le médecin n’induit-il pas une souffrance inutile ?
Le "yes".
L.J. Blackhall, de l’Université de Virginie (États-Unis), souligne qu’il n’existe pas de consensus, chez les médecins de soins palliatifs, sur ce que l’on met sous le terme de « stade terminal ». Doit-on se référer au nombre de mois restant à vivre - ce qui est impossible à prédire de manière individuelle ? Parlera-t-on de phase finale d’une maladie à partir du moment où les fonctions biologiques déclinent ? Ou seulement quand les patients sont rivés au lit, inconscients ? Le flou règne… Dans ces conditions, la notion de choix du patient - entre traitements qui prolongent la survie et thérapies de confort - n’est-elle pas biaisée ? Plutôt que d’apprendre qu’ils sont en phase terminale (en supposant qu’on soit d’accord sur ce que cela signifie), les patients veulent savoir ce que la médecine peut ou ne peut pas faire pour eux, affirme le médecin américain.
Le "no".
Ce n’est pas l’avis de E. Collis et K.E. Sleeman, du King’s College londonien. Elles rappellent d’abord que la capacité de décision d’un malade en fin de vie concerne un ensemble de choix qui débordent largement l’orientation thérapeutique adoptée. L’information du patient sur la gravité de sa maladie (après s’être assuré, bien sûr, qu’il souhaite « savoir la vérité ») est au cœur d’une série de décisions importantes (financières, choix de tutelle, procurations,...).
La dissimulation anxiogène.
En Angleterre, le General Medical Council (équivalent britannique du Conseil de l’Ordre) estime que les patients en phase terminale devraient être mis au courant du pronostic, sauf si cette information risque de leur être trop pénible à supporter. Mais la manière dont on communique « la vérité » au patient est évidemment essentielle. Elle doit en particulier se faire dans le respect des croyances et de la culture de ce dernier et, si possible, inclure une série d’entretiens étalés dans le temps afin de donner à chacun le temps d’intégrer cette information à son propre rythme.
Parfois, c’est l’entourage qui demande que l’on ne dise rien à leur parent atteint de maladie incurable. Mais le GMC est clair sur ce point : personne ne peut décider à la place d’un malade à la conscience intacte quelle information il souhaite (ou refuse) de recevoir. En outre, la situation où un médecin s’entend avec l’entourage pour ne pas dire la vérité au patient risque d’être anxiogène pour ce dernier et, dès lors, compliquer le travail de deuil ultérieur de la famille.
1) Leslie J Blackhall. Do patients need to know they are terminally ill ? No. BMJ (2013). Publié en ligne.
2) Emily Collis et Katherine E Sleeman. Do patients need to know they are terminally ill ? Yes. BMJ (2013). Publié en ligne.
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