La prise en charge de la douleur ne bénéficie pas de nouveaux médicaments et, parallèlement, certains produits ont été retirés du marché ces dernières années (dextropropoxyfène, tétrazépam…). Des alertes existent sur des médicaments actuels qui seraient très nocifs, comme les anti-inflammatoires. Fort heureusement, ceux-ci bénéficient de recommandations de bon usage suite au scandale des coxibs qui, annoncés comme peu dangereux, ont finalement montré des risques cardiovasculaires, ce qui a amené à réévaluer toute la classe des anti-inflammatoire noun stéroïdiens (AINS). Aujourd'hui, la règle est de prescrire les anti-inflammatoires à la dose la plus faible et sur de courtes durées et, en cas de risque cardiovasculaire, d'éviter les coxibs, le diclofénac ou le piroxicam et de proposer le naproxène.
40 % des patients cancéreux ne sont pas soulagés !
Concernant les risques de la morphine, « l'information est confuse, souligne le Pr Serge Perrot. On mélange l'expérience nord-américaine et la nôtre. Aux États-Unis, l'oxycodone, par exemple, est prescrite très facilement et est source d'une véritable épidémie d'effets indésirables qui sont des effets graves liés à la prescription mais aussi des toxicomanies». En France, les prescriptions de morphine sont abordées dans un contexte plus précis, voire phobique. «Les campagnes menées en France pour limiter les prescriptions d'opioïdes sont justifiées dans certains cas, dans d'autres non, précise S. Perrot. Il est quand même dramatique que près de 40 % des patients cancéreux et douloureux ne soient pas soulagés».
Le paracétamol sur la sellette
Une étude australienne parue en 2015 a fait couler beaucoup d'encre. Elle comparait le paracétamol à un placebo dans la lombalgie aiguë avec comme critère principal la durée de la lombalgie. C'était oublier qu'on attend de ce médicament qu’il réduise l'intensité de la douleur ! D'autres études montrent les dangers du paracétamol : une augmentation de la pression artérielle, des saignements digestifs, une atteinte rénale, des malformations. Mais ces études ont des biais majeurs. Les essais randomisés, contrôlés n'ont jamais montré de tels effets. Dans les études de cohorte, on oublie de préciser que les patients douloureux sous paracétamol peuvent également prendre des anti-inflammatoires cachés (comme l'ibuprofène) ou des anticoagulants. D'autre part, la douleur chronique est elle-même associée à un risque cardiovasculaire et même à une réduction de l’espérance de vie. «La démonstration n'est donc pas faite, insiste le Pr Perrot. Se priver du paracétamol, ce serait perdre une arme thérapeutique qui n'est pas dangereuse et qui manquera au patient douloureux. Derrière toutes ces allégations, il existe probablement un présupposé dogmatique qui dit que la douleur n'est qu'un symptôme peu dangereux en lui-même et en quelque sorte négligeable, et qu'on ne doit donc prendre aucun risque. C'est oublier que la douleur peut être insupportable».
D’après un entretien avec le Pr Serge Perrot, Hôpital Cochin-Hotel Dieu, Paris
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