«On veut aller vers l’ultrapersonnalisation des traitements, annonce le Pr Fabrice Barlesi, directeur général de Gustave Roussy. Trois axes vont y participer : élargir le champ de la cancérologie et réviser la prise en charge de nos patients ; accélérer une recherche interdisciplinaire, synergique et concentrée ; et enfin, s’appuyer sur des investissements massifs dans l’immobilier et le digital. »
« C’est par l’anticipation que nous pourrons guérir plus de malades, expose le Pr Barlesi. Il nous faut personnaliser la prévention et le dépistage. » Pour y parvenir, le centre mise depuis janvier 2020 sur son programme « Interception ». Déjà développé dans certains cancers (sein, poumon, pédiatrique), il sera décliné au cours de l’année en ORL et dans le digestif. Il est fondé sur un algorithme permettant de déterminer le risque de survenue d’une tumeur en fonction du mode de vie, des caractéristiques génétiques et de l’histoire familiale. Avec 30 à 40 % de cancers à risque augmenté dépistables, ce programme identifiera précocement les facteurs de risque, par une surveillance personnalisée (détection des biomarqueurs). En modifiant le risque, l’objectif est de diminuer de 30 % le nombre de tumeurs avancées au diagnostic.
Inspiré de son expérience de diagnostic en un jour dans les cancers du sein et de la thyroïde, Gustave Roussy travaille à la création d’un centre de diagnostic rapide. « Nous voulons offrir à chacun la possibilité de bénéficier en un même lieu de l’ensemble des explorations nécessaires, y compris biologiques, pour obtenir un diagnostic rapide en moins de deux semaines », précise le Pr Barlesi. Ce principe, déjà appliqué au cancer du poumon, devrait prochainement bénéficier aux tumeurs colorectales.
Des solutions novatrices
Conçus grâce à une imprimante 3D, des médicaments oraux « sur-mesure », associant plusieurs principes actifs, sont également en développement. Dans l’étude Opera, dirigée par la Dr Barbara Pistilli, un même comprimé combine une hormonothérapie du cancer du sein et le traitement des effets secondaires associés. « Nous optimisons la probabilité d’observance et diminuons ainsi le risque de rechute », ajoute le Pr Barlesi.
L’acceptabilité et l’adhésion à ce traitement seront évaluées en essai clinique au printemps 2022. En pédiatrie, le témozolomide (chimiothérapie du médulloblastome) a quant à lui été adapté aux jeunes patients, en créant une suspension buvable prête à l’emploi avec masquage de goût (Kimozo).
« Tester ex vivo la sensibilité des pathologies tumorales aux traitements proposés » fait également parti de la stratégie exposée par le Pr Barlesi. En collaboration avec la start-up américaine SEngine, des molécules sont testées à haut débit sur des cultures de cellules tumorales en 3D (appelées organoïdes), avant que les plus efficaces soient administrées au patient. De plus, le premier essai prospectif de médecine personnalisée intégrant des organoïdes, Organotreat-01, va être lancé afin d’identifier des options thérapeutiques supplémentaires chez les patients en échec thérapeutique, dans les cancers digestifs ou métastatiques.
Mais la modélisation du cancer va plus loin avec le programme Prism, qui a pour ambition de créer d’ici à cinq ans un avatar biologique et numérique de la tumeur de chaque patient. Il permettrait notamment de prédire la résistance potentielle au traitement afin de la contourner.
Des investissements massifs
« Nous voulons développer une structure agile qui s’adapte au patient, en déployant l’ambulatoire médical et chirurgical, en robotisant l’ensemble de nos préparations, en créant de nouveaux espaces pour nos patients et en rénovant nos unités », projette le Pr Barlesi. Le défi est également de créer le « Smart Hospital » 3.0 du futur, connecté et digitalisé. De plus, « si nous voulons être indépendants, nous devons concentrer notre recherche et c’est l’objet du Paris Saclay Cancer Cluster (cofondé avec plusieurs partenaires, dont l’université Paris-Saclay, NDLR). Notre ambition est de construire “le centre” d’oncologie prospective », révèle le Pr Barlesi. Si les premières recherches du biocluster concernent l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques, au moins une dizaine de nouveaux projets seront sélectionnés par an.
Ainsi, autour du site actuel qui sera desservi par le métro (lignes 14 et 15) en 2025, seront construits à l’horizon 2027 le centre de diagnostic rapide et un vaste bâtiment de recherche. Un second site à proximité (Gustave Roussy 2), un bâtiment de 5 000 m² dédié au parcours ambulatoire, devrait être construit pour 2026. « Nous voulons renforcer et développer le campus de Gustave Roussy », explique le Pr Barlesi. Au total, 150 millions d’euros seront investis pour le programme hospitalier dans son ensemble et 160 millions dans le centre de recherche.
D’après la conférence de presse de Gustave Roussy, le 26 janvier 2022
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