TROIS MILLE nouveaux cas de cancer du col utérin sont diagnostiqués chaque année en France. La mortalité de ces cancers, mille décès annuels, est certes en régression, mais les répercussions des traitements restent majeures, annihilant souvent toute vie sexuelle et toute possibilité de maternité chez des femmes encore jeunes. « Cette situation est inadmissible pour un cancer qui est le prototype même du cancer évitable », estime le Pr Didier Riethmuller. Le cancer du col est en effet strictement viro-induit et il est accessible à la fois à une prophylaxie par la vaccination contre les papillomavirus (HPV) et à une prévention secondaire efficace par le dépistage des lésions précancéreuses dont le traitement assure la guérison dans la quasi-totalité des cas.
« Le dépistage du cancer du col tel qu’il existe aujourd’hui en France, non organisé et fondé sur le frottis cervico-utérin avec analyse cytologique, conduit à la fois à surdépister une femme sur deux et à exclure du dépistage une femme sur deux également », constate le Pr Riethmuller. Six millions de frottis sont réalisés chaque année pour une population cible de 17 millions de femmes, ce qui, avec un dépistage tous les trois ans, devrait aboutir à une couverture de plus de 100 % alors qu’elle est en fait d’à peine 50 %. La raison en est que le dépistage est opportuniste, réalisé sur demande de la femme ou sur proposition du médecin à l’occasion d’une consultation, ce qui conduit à en écarter les femmes qui sont peu consommatrices de soins ou qui n’ont pas le niveau social ou éducationnel suffisant pour faire une démarche de prévention. Par ailleurs la cytologie cervico-utérine utilisée pour ce dépistage est très opérateur et lecteur dépendante et a une sensibilité limitée, avec un taux de faux négatifs de 15 %. Se posent donc actuellement en France à la fois la question de l’organisation du dépistage et celle de ses modalités.
Deux tests validé à grande échelle.
L’implication démontrée des papillomavirus dans le cancer du col a ouvert la voie d’une part à la prophylaxie par la vaccination, d’autre part à la mise au point de tests de dépistage utilisant les techniques de biologie moléculaire pour la détection du génome des HPV. Plusieurs études menées au cours de ces dernières années, notamment, dès 2007, la métaanalyse de Patrick Petignat (1), ont parfaitement démontré la bonne sensibilité de ces tests, supérieure à celle de la cytologie cervico-utérine pour l’identification des lésions intraépithéliales de haut grade. À ce jour, deux tests de biologie moléculaire ont été validés à grande échelle : les tests PCR GP5/GP6 et Hybride Capture 2. Ces tests HPV sont également utilisés pour l’autodépistage du cancer du col, en évaluation dans des pays en voie de développement ainsi que dans un certain nombre de pays européens. Ainsi, le programme de dépistage du cancer du col qui est actuellement mis en place aux Pays-Bas utilise le test HPV en première ligne. Ce dépistage est proposé aux femmes à partir de l’âge de 30 ans puis tous les cinq ans jusqu’à l’âge de 60 ans. Le programme prévoit l’envoi systématique d’un dispositif d’autoprélèvement aux femmes qui ne répondent pas à la proposition d’un dépistage chez le praticien. Dans les études de faisabilité préalables à la mise en place de ce programme, cette démarche est apparue moins onéreuse que l’envoi de plusieurs courriers de relance aux femmes non répondeuses. Le taux de réponses à la proposition d’un autoprélèvement était supérieur à celui d’une troisième relance. Ces études ont également montré que la prévalence des lésions précancéreuses était plus élevée chez les femmes non répondeuses par rapport à la population générale, soulignant là encore l’intérêt du dépistage pour ces femmes.
Organiser le dépistage en France.
« En France, l’organisation du dépistage est une nécessité absolue, pour éviter de laisser de côté les nombreuses femmes qui, pour des raisons diverses, n’y ont pas accès », plaide le Pr Didier Riethmuller. Les techniques de biologie moléculaire sont aujourd’hui plus faciles à utiliser et moins coûteuses. Leur sensibilité est largement supérieure à celle de la cytologie cervico-utérine. Leur valeur prédictive négative à 5 ans est de près de 100 %. Autrement dit, avec les deux tests validés PCR GP5/GP6 et Hybride Capture 2, en cas de résultat négatif, le risque de développer un cancer du col dans les cinq années suivantes est quasi nul. « La valeur prédictive positive limitée de ces tests avec un certain nombre de faux positifs est réelle, mais elle ne constitue en aucun cas un argument recevable pour écarter le recours à cette méthode dans le cadre d’un programme organisé, car ces tests sont aisément triés par la cytologie réalisée en deuxième ligne », précise le Pr Riethmuller.
La stratégie de dépistage organisé pourrait donc soit se calquer sur celle mise en place aux Pays-Bas, fondée sur un autodépistage pour les femmes qui ne répondent pas aux propositions de dépistage chez le médecin, soit recourir à un autodépistage généralisé à l’ensemble des femmes. Pour le Pr Riethmuller, le rapport coût/efficacité de cette dernière solution serait tout à fait favorable même si cela reste à démontrer. Les résultats, très encourageants, de la campagne de dépistage du cancer du côlon plaident en ce sens, alors même que certains prédisaient son inefficacité, notamment chez les hommes moins enclins que les femmes à une démarche de prévention.
« Cela fait près de trente ans aujourd’hui que les professionnels répètent qu’il est impératif d’organiser un dépistage du cancer du col en France, note le Pr Riethmuller. L’organiser, mais aussi l’optimiser, en se fondant sur les techniques modernes. La cytologie cervico-utérine a été développée dans les années 1950. À l’heure actuelle, avec les tests HPV, on dispose de méthodes permettant de détecter dans près de 100 % des cas une lésion précancéreuse et, lorsque le résultat est négatif, d’écarter le risque de développement d’un cancer dans les cinq années à venir. N’est-il pas temps de réfléchir différemment sur le dépistage, pour que les femmes dans leur ensemble en bénéficient au mieux ? » conclut le Pr Riethmuller.
D’après un entretien avec le Pr Didier Riethmuller, CHU, Besançon.
(1) Petignat P, Faltin DL, Bruchim I, et al. Are self-collected samples comparable to physician-collected cervical specimens for human papillomavirus DNA testing? A systematic review and meta-analysis. Gynecol Oncol. 2007 May;105(2):530-5. Epub 2007 Feb 28.
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