Des chercheurs de l’Institut Curie, du CNRS et de l’Inserm ont identifié une nouvelle voie de signalisation impliquant le cuivre, mise en jeu dans l'inflammation et le processus de dissémination métastatique. Ces travaux, publiés dans « Nature », ont conduit à l'élaboration d'un « médicament prototype » (1).
Que ce soit dans l’inflammation ou la formation des métastases, les cellules sont capables de se transformer en adoptant de nouvelles propriétés physico-chimiques : une cellule non inflammatoire peut devenir inflammatoire et une cellule cancéreuse proliférative migratoire. Avec son équipe, Raphaël Rodriguez, directeur de recherche au CNRS et chef de l’équipe « Chemical Biology » à l'Institut Curie, a mis en évidence le rôle du cuivre et du fer dans cette transformation cellulaire, avant de développer une molécule capable de la bloquer. « D'un point de vue conceptuel, nous avons démontré que le fait de contrôler la plasticité cellulaire, c'est-à-dire la transformation d'un état à un autre, confère un bénéfice thérapeutique », indique le chercheur au « Quotidien ».
Reprogrammation métabolique et épigénétique
Selon des études récentes, « 90 % des patients qui ont contracté un cancer succombent du fait des métastases et pas de la tumeur primaire », rapporte-t-il. Et en cas d’infection par un pathogène, survient un phénomène d'activation macrophagique au cours duquel les macrophages deviennent inflammatoires. « Si on laisse les macrophages atteindre leur activation maximale, ils peuvent causer un choc septique et conduire au décès en raison de l’hyperinflammation », note Raphaël Rodriguez. C'est pourquoi il est essentiel de comprendre comment se passe la transformation cellulaire.
Les chercheurs avaient précédemment constaté que les cellules qui avaient la capacité de changer de phénotype et d'acquérir des propriétés métastatiques contenaient davantage de cuivre et de fer que les autres. Ils ont ensuite mis en évidence, dans un travail publié en août 2020 dans « Nature Chemistry », le rôle du récepteur membranaire CD44 dans l'internalisation du fer par un phénomène d'endocytose (2).
Ce processus permet le transport du fer jusqu'au noyau où il va agir sur la régulation de l’expression des gènes métastatiques (reprogrammation épigénétique). Un mécanisme similaire est observé avec le cuivre, qui va lui agir au niveau des mitochondries et du métabolisme (reprogrammation métabolique), les deux métaux agissant au niveau de l’expression des gènes.
« Nous avons longtemps pensé que les mutations génétiques étaient indispensables pour la transformation cellulaire, détaille le chercheur. Or, ici nous avons mis en évidence une transformation cellulaire indépendante des mutations génétiques. »
Des premiers tests encourageants
Dans ce nouveau travail, les chercheurs ont identifié la voie de signalisation impliquant le cuivre, à l’origine de l’expression des gènes de l’inflammation dans les macrophages. Le cuivre est d’abord internalisé par les macrophages, puis entre dans les mitochondries pour catalyser une réaction d’oxydation, elle-même aboutissant à l’activation des gènes impliqués dans l’inflammation après une cascade de réactions. Un programme similaire se met en place dans le phénomène de dissémination métastatique avec des gènes cibles distincts.
Les chercheurs ont ensuite développé une molécule de synthèse : un dimère de la metformine, LCC-12, aussi nommée supformine, capable de se lier au cuivre(II) mitochondrial et de l’inactiver, bloquant ainsi la reprogrammation métabolique, la reprogrammation épigénétique et donc l’activation des macrophages et l’acquisition d’un caractère prométastatique.
Cette molécule a été testée avec succès dans des modèles précliniques d’inflammation aiguë et d’infection au Sars-CoV-2, ainsi que sur des cellules primaires humaines. À chaque fois, une atténuation de l’inflammation a pu être observée.
Les applications sont diverses, dès lors qu’un mécanisme inflammatoire est en jeu : vieillissement, maladies auto-immunes, infection, cancer…, liste Raphaël Rodriguez, qui s’enthousiasme : « Le potentiel est énorme ! ». Des brevets ont déjà été déposés par l’Institut Curie et une société de biotechnologie est en cours de création afin de développer le médicament, de le tester chez l’homme, d'étudier ses effets indésirables et d'en définir les indications.
« Comme pour tout médicament, se pose la question de l’effet dit "hors cible". Le cuivre(II) mitochondrial n'est majoritairement présent que dans l'état très inflammatoire et n’est quasiment pas détectable dans un état non inflammatoire, ce qui laisse penser que nous avons une fenêtre thérapeutique », détaille le chercheur.
(1) S. Solier et al, Nature, 2023. doi: 10.1038/s41586-023-06017-4
(2) S. Müller et al, Nat Chem, 2020. doi: 10.1038/s41557-020-0513-5
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